Critique publiée sur Kultur & Konfitur.
L’auditeur lambda aime mettre une (ou des) étiquette sur ce qu’il écoute. Cette tâche, peut-être vaine et futile (ne vaut-il pas mieux se contenter de la musique plutôt que de tenter de la décrire ?), a toutefois son intérêt (découvertes, rapprochements entre différents groupes) mais aussi ses effets pervers. A savoir inventer de nouveaux genres tous azimuts, sans réel fondement. On essaie, donc, de tout catégoriser, caractériser, ranger précisément dans un rayon. Dans cette lourde démarche, l’auditeur n’est pas aidé par ceux qu’il s’évertue à décrire. Les groupes sont en effet les premiers à s’inventer de nouveaux styles où ils s’empressent de se classer pour prouver qu’ils « ne sont pas comme les autres ». Le « pagan metal », par exemple, terme en vogue et ne voulant en soi absolument rien dire, sinon quelques références à la nature dans les paroles (aucune base musicale, donc). Rhapsody (of Fire) affirmaient eux avoir créé le « Hollywood metal » et en 2004, avec la sortie de leur premier album, les finlandais de Turisas entendent bien lancer le « battle metal », du titre de leur premier album.
Sortons tout de suite de ce débat stérile. Turisas pratique, tout simplement et en utilisant des genres plus ancrés (sont-ils pour autant plus légitimes ?) dans le paysage musical, un mélange entre folk metal (avec accordéon, violon et mélodies « folkloriques ») et power metal symphonique (à l’européenne, soit mêlant l’héritage du heavy par des riffs tranchants, un peu de clavier, un côté par moments voulu épique…). Après avoir quelques demos depuis 1999, cette première offrande des finlandais les installe d’emblée sur le devant de la scène, et il faut bien avouer qu’ils le méritent.
Turisas de sécurité ?
Alors, qu’y a-t-il au menu ? Sanglier, foies humains et charognes fumantes ? Presque. Des combats héroïques (comme l’annonce la pochette) et beuveries (le réconfort après l’effort). Musicalement, ça se traduit par un côté déjà évoqué comme très « épique » (il faut bien motiver les troupes, à commencer par l’intro, « Victoriae & Triumphi Dominus », peut-être l’une des meilleures que j’ai entendu dans le style et remplissant parfait son rôle), accompagné du chant guerrier de « Warlord » Nygård, tant à l’aise dans le chant death qu’avec sa voix claire, des chœurs bien virils (le titre éponyme, « The Land of Hope and Glory »…), des mélodies immédiates et accrocheuses. Mais aussi des passages plus enjoués, où l’apport des instruments folk (violon et accordéon, joué par la plutôt mignonne Janne « Lisko » Mäkinen aujourd’hui) ou du clavier se fait agréablement sentir et permet à l’auditeur d’imaginer facilement des scènes plus joyeuses (« Sahti-Waari »), amenant une certaine « fraîcheur » à l’ensemble. Mais ce côté direct (dans le titre éponyme, ou la chanson à boire « One More », ultra efficace, et plus encore en live) est aussi tempéré par quelques variations de rythme, sur « The Messenger », avec ce passage plus calme qui rend le morceau sans doute plus intéressant. C’est aussi le cas sur le titre le plus long (si on y ajoute le prologue), « Rexi Regi Rebellis ». N’allons pas jusqu’à dire que Turisas officie dans le prog, l’album reste très rapidement assimilable et a des structures relativement simples (voire simplistes). C’est sans doute là son principal défaut (les titres présentant, au final, assez peu de faiblesses), on se lasse assez vite et après quelques écoutes, on ne fait plus trop tourner Battle Metal. Toutefois, c’est avec un plaisir non dissimulé qu’on le ressort quelques mois plus tard, pour le reranger rapidement.
Avec Battle Metal, Turisas arrive donc, à défaut de lancer un nouveau courant musical, à se lancer à l’assaut des scènes européennes en proposant un son qui, tout en empruntant à droite à gauche, leur est propre et devient leur marque de fabrique. Un album simple et efficace, qu’on digère facilement et dont les titres semblent composés et taillés pour le live (votre serviteur peut en témoigner, à l’issue d’un show justement très chaud – tant pour l’ambiance que la température sous un chapiteau bondé – au Wacken Open Air, édition 2007). Le problème, qui se pose d’ailleurs dès le successeur de ce premier album, c’est la question du renouvellement ou au moins d’arriver à garder la même qualité. Si The Varangian Way a réussi à maintenir la barre à un bon niveau, Turisas devrait songer à mettre de la bière dans son rhum afin de rester un groupe intéressant, sous peine de sortir à chaque fois la même galette, en moins bien.