A cette époque (très) lointaine où l'on trouvait encore plein de disques à la FNAC (en ce qui me concerne, on parle des années 90), je me payais parfois le luxe de prendre un album au hasard, surtout quand le dit disque était l’œuvre d'un artiste dont j'explorais le travail de manière aussi exhaustive que possible.
Durant mon adolescence un poil obsessionnelle (pléonasme), Vangelis faisait partie de ces compositeurs dont j'aimais découvrir les nombreuses facettes. J'y allais d'autant plus à l'aveugle qu'à l'époque (ouh, l'expression de vieux, c'est moche), nous n'avions pas Internet pour se documenter à l'avance, voire pour faire une première expérience musicale d'un album qui pouvait vous intéresser.
Parfois, l'expérience menait à une superbe découverte. D'autres fois, à de cruelles désillusions, voire à de totales incompréhensions.
Je ne me rappelle pas pourquoi j'ai choisi un jour d'acheter Beaubourg. Peut-être à cause de l'oreille sur la pochette, qui aurait pu me faire penser à celle, jaune et monumentale, occupant la couverture d'En Attendant Cousteau, de Jean-Michel Jarre. Entre oreilles, on allait se comprendre...
Parisien à l'époque, j'étais bien sûr familier du Centre Pompidou, mais j'ignorais si l'album avait un quelconque rapport avec lui. Si c'était un hommage, une musique composée pour une exposition, ou une parodie.
Aujourd'hui encore, on ne le sait pas bien. En tout cas, le doute est largement permis.
Ce dont je me souviens avec netteté, c'est de ma première impression lorsque j'ai lancé le disque pour la première fois : j'ai cru que la platine laser était cassée, ou déréglée ; ou alors, le disque abîmé, rayé. Il m'a fallu quelques minutes pour réaliser que non. Ces sons bizarres, ces déchirures, ces stridences synthétiques étaient gravées à dessein sur le disque. Ce maelström sans queue ni tête, c'était une démarche artistique, une composition, un projet mené de A à Z par Vangelis.
Loin, très loin de ce que je connaissais alors de lui, qu'il s'agisse de ses B.O. triomphales ou de ses formidables premiers albums des années 70, Spiral et Heaven & Hell en tête.
Autant dire que j'ai détesté. Je crois même que je n'ai jamais écouté le disque en entier à ce moment-là. Je l'ai rangé dans un coin, et oublié - ou presque, une pointe d'amertume en reste, née de la sensation de m'être fait avoir.
Je viens de le réécouter, pour la première fois depuis cette première découverte. Peut-être suis-je désormais à moitié sourd ; ou bien un peu plus éduqué, certainement. Voilà que je trouve ce bizarre Beaubourg beaucoup plus audible que dans mon souvenir. Cela reste de la musique contemporaine, expérimentale, sans structure apparente ni mélodie. Certains passages demeurent épuisants. Mais j'en ai enfin entendu d'autres, cachés dans les replis, dont les sons et les ambiances ne sont pas dénués d'intérêt.
Pour les connaisseurs de Vangelis, et des instruments électroniques historiques, Beaubourg est surtout un formidable laboratoire d'exploration du Yamaha CS-80, qui va devenir LE clavier de référence du compositeur grec dans les années suivantes, et celui dont il dira toujours le plus grand bien. Le voyage sonore, ici, ressemble plus à une errance sous ecstasy qu'à une démonstration en bonne et due forme. Cependant, on peut l'aborder sous cet angle, et y trouver un intérêt de spécialiste - à défaut de se réjouir de la musique à proprement parler.
Beaubourg reste un album relativement inaudible, le dernier de la discographie vangelisienne que la plupart des fans glisseraient dans leur platine pour passer un bon moment de musique. Pour ma part, je suis content de l'avoir réécouté, et finalement de le juger un peu moins sévèrement qu'à l'époque - où je n'y avais rien compris. Mais je n'y retournerai pas de sitôt.