Passer de Satanic Majesties à ça relève du virage à 180. Si Aftermath était le premier vrai bon album des Stones, Beggars Banquet leur fait grimper une marche supplémentaire. Finie la pop psyché, terminées les innombrables covers, enterrés les doutes sur leur style musical.
Le moins qu’on puisse dire c’est que ça commence fort, avec Sympathy for theDevil. D’abord pour ses paroles, chantés avec une voix à l’énergie contenue mais croissante, à la manière d’un Brel, et relatant les méfaits de Satan tout au long de l’histoire, avant de se rendre compte qu’il n’est que l’allégorie de la part sombre qui sommeille en chacun de nous : “after all, it was you and me”. Ensuite par sa musique, sorte de samba-rock, où on sort du quatuor d’instruments classiques du groupe pour aller voir du côté des percussions qui, entêtantes et enivrantes, dominent la bande son, et du piano en filigrane qui lui apporte un côté mélodique subliminal. Enfin le solo de guitare, sec, cassant, mais très mélodique, qui accompagne à merveille les supplications de Mick Jagger. Sans hésitations dans mon top 10 des chansons rock à avoir écouté dans sa vie.
On ne peut pas ne pas parler aussi de Street Fighting Man, dans lequel les Stones regrettent de ne pas pouvoir participer, eux aussi, aux émeutes en France ou aux États Unis. Ils meurent d’envie de s’engager dans le combat, tout en reconnaissant, fatalistes, que ça n’aura pas vraiment d’impact. Mais que peuvent faire de pauvres garçons comme eux, à part jouer dans un groupe de rock ?
Enfin, le morceau de clôture, Salt of the Earth, vaut aussi le détour. C’est un hymne façon Stones aux laborieux, aux oubliés. Assez éloignés de l’image du « Héros du Quotidien », ils insistent sur les parts d’ombre et de lumière de chacun, rappelant que chacun n’agit pas uniquement selon une grille morale, mais parfois simplement comme il peut. Au niveau musical, le début, très doux, met en avant le jeu très dense de Keith Richards, entre douces caresses et tabassage des cordes. Le morceau est un crescendo, jusqu’au final aux allures de chorale.
Mentionnant aussi les très sympathiques No Expectations, Parachute Woman, Juggsaw Puzzle, Stray Cat Blues, et les douteux Prodigal Son et Factory Girl.