CECI N'EST PAS UN CHIOTTE
Je me suis toujours demandé si j'étais plutôt fan des Beatles ou des Rolling Stones. J'ai déjà répondu en partie à cette question... enfin je crois !
Je me suis également demandé si j'aimais tous les albums des Rolling Stones. Je les ai donc tous écouté. C'est alors que je me suis dit :
"Le rock (et la vie ?) devrait ressembler à Beggars Banquet."
De l'énergie.
De l'agressivité.
Du sexe.
Un chanteur félé.
Un guitariste drogué.
Et une photo crade en prime.
Non, ceci n'est pas un chiotte.
C'est un disque. Celui qui marquera l'abandon définitif des expérimentations psychédéliques (ratées) des Rolling Stones.
Blagueurs les Stones ? en tout cas assez couillus pour revenir aux fondamentaux, sans jamais tarir la source qui les a abreuvé.
Une atmosphère électrique et accoustique qui renvoie aux boues originelles du Mississipi. Le blues est bien là, tapi dans l'ombre.
C'est aussi l'accord parfait. Entre les musiciens, d'abord. Puis l'accord ouvert, au blues, au rock sans jamais sombrer dans un blues-rock incertain.
La guitare, jamais prétentieuse de Keith Richards, élève le débat agassant du meilleur guitariste. Il s'en tient à ce qu'il sait faire de mieux (à part les piqûres !) : un son qui revendique le blues, à croire qu'il en aurait percé le secret au carrefour d'Hazlehurst, comme Robert Johnson.
Car il s'agit bien de celà. La musique du Diable.
Pourtant.
Le premier titre révèle le jeu incisif de Richards qui sera la clé de voûte du son stonien et qui prend toute sa hauteur avec "Sympathy for the Devil" (1).
Un son qui vous assène des petites coupures au rasoir.
Quand au démon, il se déhanche sur un rythme de samba. La percussion rencontre le blues occidental. Mariage sacré.
Adieu les sitars et les mellotrons, les Rolling Stones achèvent à la hache le cadavre pourissant de l'éclectisme musical.
Le ton est donné.
Déboule ensuite le rythme martial de "Street Fighting Man" (6). Il délivre de son écrin un des textes les plus marquants des Stones.
Au détour du disque "Stray Cat blues" (8) vient miauler son rythme dansant et cumule à lui tout seul le rock lubrique : des notes de guitare qui simulent l'acte sexuel, des gémissements d'une femme et un texte qui ne cache pas ses intentions. Méconnu, pourtant un des bons titres de cet album.
Que me direz-vous du blues ?
Le blues est bien là. Il est même à l'honneur.
"No Expectation" (2) explore tout du minimalisme. Comme quoi, l'économie de moyens ne rime pas avec pauvreté artistique. Quant à "Parachute woman" (4), elle nous séduit avec un motif ultra-classique mais tellement efficace.
Ceci ne répond pas tout à fait à la question que je me posais. Je vais donc éclaircir mon point de vue en le recentrant sur un contexte. Car il m'est bien évidemment impossible de trancher entre les deux groupes.
Beatles ou Rolling Stones ?
C'est comme fromage ou dessert, j'ai le droit d'aimer les deux.
Donc, je ne suis pas un fan des Stones et je n'aime pas tous leurs disques, ni toutes leurs chansons.
Je suis fan d'une période musicale à laquelle ils ont participé et où ils ont une place d'honneur. J'aime toute les chansons de ce disque, alors comment ne pas faire l'éloge d'un disque qui est de loin un "ALBUM DE MA VIE".
Vous l'aurez compris "Beggars Banquet" est sans conteste un album majeur dans l'épopée rock'n'rollienne des Stones. Il est le banquet d'ouverture de quatre années fructueuses musicalement pour le groupe.
Avec la mort de Brian Jones et l'arrivée du fantastique Mick Taylor, les Rolling Stones vont signer une série d'album emprunt de cette même boue du Delta : un country blues et de rock qui s'achevera au dernier repas orgiaque et opiacé d'"Exile Main Street".