1969, à la fin d’Abbey Road, douloureuse épitaphe d’un groupe mais aussi d’une époque et d’une décennie. Mais nous n’y sommes pas encore, pas si vite ! Il reste encore un peu de temps avant d’enterrer définitivement les 60’s.
Des graffitis dans des toilettes ? Tiens donc, ça me rappelle un vieil album, dont la fabuleuse pochette ne verra le jour qu’à l’avènement du CD… jusque-là les petits génies de Decca avait gagné, une pochette blanche immaculée, comme un carton d’invitation. Pas forcément idiot pour un banquet, même de mendiants, mais quand même, la cuvette de chiottes et les grafs c’est hautement plus classe. Surtout, ça mets dans l’ambiance. Du roots. Du blues. Du rock. De la pure.


La fin des sixties est compliquée pour les Stones : sur les plans personnels, les histoires de gonzesses, de drogues, les descentes de flics à Redlands, la résidence de Keith Richards ; sur le plan musical, ils ont sortis Their Satanic Majesties Request, leur album psychédélique, en retard et en bons suiveurs des Beatles. L’album n’est pas foncièrement raté (des bijoux comme She’s a Rainbow, 2000 light year from Home), mais les Stones ne semblent pas à l’aise sur cet album, si éloigné dans leurs convictions. Leur producteur Andrew Loog Oldham pètera définitivement les plombs et quittera définitivement le navire Stones en cours de production.


Pour leur nouvel album, ils vont donc revenir aux basiques comme il ne l’ont jamais fait auparavant, faire un manifeste qui va devenir le véritable point de départ de leur son, de leur musique. Ils vont reprendre le train, ce fameux train qui emmenait ces bluesman du Mississipi jusqu’à Détroit et Chicago. Dans les villes industrielles, pour trouver un boulot, et pour jouer du Blues. Le blues électrique de Chicago, le blues brut, celui de Muddy Waters.


C’est Keith Richards qui va (re)mettre le feu aux poudres. Depuis plusieurs années lui qui cherche un son, il comprend enfin en regardant jouer Don Everly et Ry Cooder la technique d’accordage définitive qui va redéfinir le son des Stones. L’open tuning en sol, accorder sa guitare sur 5 cordes qui permet en jouant peu de notes, de faire rentrer les cordes en résonnance et tapisser l’espace. Les riffs les plus connus de Richards sont basés sur cette méthode : Start me up, Brown Sugar, Honky Tonk Women… et Jumpin’ Jack Flash ! Les Stones le balancent sur les ondes en mai 1968 et c’est la révolution. Le morceau emporte tout sur son passage. Pour la petite histoire, le Jack en question était Jack Dyer, le jardinier de Richards à Redlands, qui un soir où Mick Jagger était là, passa à l’improviste. Who’s that ? Jack, Jumpin’ Jack ! Le morceau ne sera pas sur l’album dont l’enregistrement s’étale du 17 mars 1968 au 25 juillet 1968.
Keith va faire une rencontre qui va également faire évoluer le filon musical des Stones durablement, de Beggar’s Banquet à Exile on Main Street, le début de leur ère américaine. En partance pour une tournée en Afrique du Sud, les Byrds font escale à Londres. Keith les voient en concert au Blaises Club : ils ont intégré un nouveau membre qui les a fait basculé du folk rock au country rock. Gram Parsons, donc. Les 2 hommes accrochent directement, Parsons devant le frère musical que Richards (soit disant) n’a jamais eu. Parsons passe une bonne partie de l’été à Redlands pour initier Richards aux différents styles de country. Même si l’influence country rock n’est pas encore évidente sur Beggar’s Banquet, elle sera définitive sur les 3 albums à suivre.
En revanche, Beggar’s Banquet est bien un album roots, de racine, de renouveau et va bénéficier des services d’un producteur qui se révèlera providentiel, l’américain Jimmy Miller. Miller a fait ses armes avec le Spencer Davis Group de Steve Winwood, puis produire les albums de Traffic et BlindFaith. Batteur de son état, il va apporter aux Stones un sens du groove. Il va également les laisser expérimenter en studio pour qu’ils s’approprient des nouvelles sonorités, notamment les distorsions de la guitare acoustique de Richards enregistrée en mono sur magnétophone (Jumpin’ Jack Flash)


L’album s’ouvre sur Sympathy for the Devil. Le visionnage de One + One de Godard nous permet de suivre les Stones en studio, s’appropriant le morceau, le jouant, le rejouant, faisant varier le thème, changeant d’instruments entre eux. On part d’une ballade folk (Miller : Où est le groove ??? ), pour terminer sur une samba rock effrénée. Le morceau est génial au niveau de la rythmique, de son piano que n’aurait pas renier Dr John, du solo de guitare de Richards qui vient transpercer le tout et des fameux Wouhou que nous scandons toujours en concerts depuis 50 ans. Les paroles sont également à l’avenant : le narrateur n’est autre que Satan lui-même qui se fait spectateur des évènements et atrocités de l’humanité à travers l’Histoire (Ponce Pilate, les meurtres des Kennedy… ) et nous demande un peu de compassion… après tout ne serait il qu’un homme dans lequel chacun pourrait se reconnaître ?


Le grand absent de l’album, même si il ne l’est pas réellement encore, c’est Brian Jones dont ce sera le dernier album avec le groupe qu’il a fondé. On retrouve notamment sa slide qui transperce No Expectations, une ballade blues dans la pure tradition de Robert Johnson (Love in vain).

NicolasSieli
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le 29 mars 2020

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