Le charpentier qui murmurait à l'oreille du cinéphile.
J'étais tranquille, j'étais pénard, je repassais mon falzar, quand ma chère et tendre me lança sournoisement un défi: rédiger une critique à propos de mon maître, de mon dieu, de mon saigneur tout puissant, j'ai nommé: John Carpenter, Jean le Charpentier, Big John pour les intimes. Mais attention, pas un avis sur un de ses films, non, trop facile, trop évident. Il me fallait écrire un billet sur une de ses innombrables contributions musicales dont lui seul à le secret. Moi, qui n'y connais absolument rien en musique, moi, qui ne saurait même pas différencier le son d'une cornemuse du pet de mon chat.
Pour situer, John a composé la majorité des bandes originales de ses propres films, si l'on excepte "The thing", "Starman", "Les aventures d'un homme invisible" et "The ward", confiées à d'autres. Généralement en collaboration avec d'autres artistes comme Alan Howarth ou Shirley Walker. Il a même officié sur des films qui n'étaient pas les siens, notamment sur les deux premières suites de la saga "Halloween", dont il restait tout de même attaché en tant producteur (voir même plus en ce qui concerne "Halloween 2" mais ceci est une autre histoire). En compagnie de Tommy Lee Wallace et de Nick Castle, il aura également fondé le groupe The Coupe de Villes, dont on peut entendre un échantillon dans le générique final dans son délirant "Big trouble in Little China.".
Parfaite transition pour en venir au principal, la bande originale de "Big trouble in Little China", justement. Pourquoi celle-ci et pas une autre ? Pourquoi pas "Halloween" ou "Escape from New York", au thème bien plus reconnaissable ? Je ne sais pas. Peut-être parce qu'il s'agit d'un de mes films préférés de Big John, parce que c'est le plus fou, le plus barré, le plus attachant. Mais peut-être aussi parce qu'il s'agit d'un des scores les plus aboutis de Carpenter.
Réalisée avec l'appui d'Alan Howarth, la bande originale de "Big trouble in Little China" synthétise à elle seule tout ce qui me fait vibrer chez Carpenter. A la fois trépidante, mystérieuse, pesante, elle sert admirablement le film, apporte aux images une dimension supplémentaire tout autant qu'un charme purement 80's. L'ensemble se pare également de sonorités orientales du plus bel effet, Carpenter et Howarth atteignant ici un haut degré de réussite et livrant peut-être leur partition la mieux rythmée, la plus définitive à mes yeux d'amateur.
Se disant lui-même incapable d'écrire la moindre petite note de musique, s'occupant en personne de poser une mélodie sur la pellicule pour des questions de budget et de contrôle artistique, John Carpenter aura pourtant laissé une empreinte indéniable sur le cinéma. Ses films, les bons comme les mauvais, ne seraient certainement pas les mêmes sans ces accords synthétiques entêtants, instaurant d'emblée une ambiance anxiogène et stressante, reconnaissable entre mille. Même quand il charge des pointures comme Morricone de signer la musique, le résultat sonne définitivement comme du Carpenter pur jus.
Voilà quelques raisons expliquant maladroitement ma passion, mon immense amour pour un mec comme Jean le Charpentier, un de mes cinéastes préférés (même quand il se plante) et compositeur humble mais infiniment talentueux, comme le prouve le score de "Big trouble in Little China", qu'il est impératif d'écouter dans sa version dite "extanted", les neuf petits morceaux de la première édition ne rendant pas totalement justice à ce travail remarquable.