Les White Lies, je les aime bien. Ils font un peu petits branleurs, enfin surtout Mc Veight, le chanteur et guitariste, mais on sent que derrière leur air cool de rejetons de la post new wave ils en ont quand même dans le froc. Certes, par rapport à Editors ou Interpol, ils sont apparus tardivement, mais leur premier opus, "To lose my life…", était si réussi qu’on savait qu’on avait pas affaire à des manchots. Paraîtrait même qu’ils en ont vendu 900000 exemplaires, ce qui est un exploit conséquent par les temps qui courent. Bref, à mon avis, ils savent se prendre au sérieux juste quand il le faut : au studio ou sur scène.
"Big TV" n’est que leur troisième album mais il aurait pu être… Je ne sais pas, disons le sixième. C’est à la fois un compliment et une critique. Compliment parce qu’avoir un tel recul sur son travail en seulement quatre ans prouve qu’on a retenu les leçons de ses expériences passées. C’est sans doute pour cette raison que la grandiloquence qui émanait de "Ritual", qui pouvait laisser craindre que le groupe aie l’intention de marcher sur les pas de Muse ou des Killers en se transformant en bêtes de foire du rock stadium, semble cette fois être restée au vestiaire. Si les White Lies ont clairement fait preuve d’ambition avec "Ritual", ils ont donc suffisamment de jugeote pour ne pas donner dans la surenchère avec "Big TV". La voix reste bien présente (un peu trop d’ailleurs sur "Be your man"), mais au niveau du mixage, les compos n’ont plus cette volonté de vous écraser par leur puissance. Autre élément notable qui contribue à cette volonté affichée de simplification : beaucoup moins de boucles additionnelles, d’effets sophistiqués. Qui dit machine arrière dit plus tellement de machines, justement, et c’est le quatuor classique basse / batterie / guitare / synthé qui reprend les commandes du navire. Un retour aux fondamentaux qui donne de très bons résultats sur le morceau d’intro, "Big TV" (qui peut s’apparenter à du White Lies pur jus), ou sur les très efficaces "There goes our love again", "Mother tongue", "Be your man" et "Goldmine". Des titres entraînants, rythmés, dont les mélodies ou le chant produisent sans problème l’effet attendu : assurer un disque tout ce qu’il y a de plus honnête, avec son lot de refrains qui vous scotcheront pendant un moment par leur qualité. Les meilleurs titres se trouvent sans hésitation parmi ceux que je viens de citer.
Mais c’est aussi une critique parce que le "playback" opéré par le groupe a son revers : il vous donnera l’impression quelque peu désagréable que les trois anglais se reposent sur leurs lauriers et qu’il n’y a pas eu du tout d’évolution par rapport aux albums précédents. A l’écoute de "Big TV", on s’aperçoit bien qu’il est moins sombre que ses prédécesseurs, plus pop, mais il serait exagéré de conclure à une véritable progression. Si j’étais un peu taquin, je dirais que le changement le plus notable, c’est que le bassiste n’a plus rasé sa barbe depuis six mois. L’ensemble est donc d’une qualité suffisante pour emporter l’adhésion, mais il ne vous fera pas non plus sauter au plafond. Rien de très excitant, surtout, sur les trois morceaux lents de l’album, qui à mon sens sont tous assez moyens, ce qui est légèrement inquiétant. Enfin, disons que "Change" passe encore, mais l’enchaînement "Tricky to love" / "Heaven wait" est un calvaire, d’autant qu’ils sont placés en fin de tracklisting. La mayonnaise ne prend absolument pas : le groupe mise tout sur la voix caverneuse de son chanteur et les instruments assurent le minimum syndical. Dans le même genre, on est loin des claques que furent "E.S.T." ou "Turn the bells".
Si j’ajoute à cela que les deux interludes musicaux ("Space I" / "Space II") sont totalement inutiles, vous allez commencer à vous demander ce qui justifie une appréciation positive. Finalement, c’est assez simple : tout ce qui est réussi sur ce disque est vraiment réussi, et la proportion est bien supérieure à tout ce qui est foiré. On est loin du chef d’œuvre de l’année, et "Big TV" est assurément moins bon que "To lose my life…" et "Ritual", mais il reste solide. Si le prochain est du même acabit, je serai sans doute moins indulgent.