Black Tie White Noise, c'est un peu l'anti Songs For Drella de son pote Lou Reed sorti un peu plus tôt. C'est le festival sonique contre la nudité. Le clinquant contre la modestie. La volonté de David Bowie est ici clairement affichée, surtout après l'échec commercial de Tin Machine et ses types bien sapés qui font du bruit : se renouveler, laisser de côté les eighties qui lui ont réussi économiquement mais l'ont fatigué au plus haut point, tout en laissant quantité de fans sur le palier et les critiques déjà pas bien tendres encore plus dubitatives concernant ses différentes casquettes. David Bowie est-il toujours en avance, contemporain de son époque ou délicieusement suranné?
Black Tie White Noise a tout de l'album déplaisant et fourre-tout, tellement en avance sur tout le monde d'un point de vue strictement musical, très différent des courants phares du moment (le rock indé, la britpop, le grunge, le garage en chemise à carreaux) qu'il est forcément déplaisant, à contre-courant. Nouveau mari confortablement installé dans ses souliers, celui qui donna ses lettres de noblesse au Art Rock est aujourd'hui presque obligé de remplir jusqu'à ras bord ses disques de sons, de bruits, de boucan clinquant pour exister, avec en filigrane cette petite pointe de soul mielleuse car, quand même, quel séducteur ce David!
Sont conviés pêle-mêle de genres musicaux, de l'oriental en passant par l'électronique ou le jazz, l'industriel et le rock, Black Tie White Noise est aussi bien la digestion de la courte oeuvre de Tin Machine qu'une avancée tranquille vers le Bowie que l'on connaîtra un peu plus dans les années 90 et 2000 jusqu'à la mise en scène de la mort de ses avatars sur son disque testament. Et si l'ensemble paraît aujourd'hui forcément daté, il n'en demeure pas moins bien plus abouti que son amusant prédécesseur tout en étant au moins aussi dansant : le très réussi Jump They Say et surtout Nite Flights, le morceau de choix de l'album et un des plus beaux titres de Bowie, méritent l'écoute de cet ensemble pas commun.