Blackout
6.2
Blackout

Album de Britney Spears (2007)

Septembre 2007, Britney est aux abois, dansant comme une chienne enceinte de deux mois sur la scène des MTV Music Awards, ce qui aura le don d'exciter Moby (pas seulement pour son amour des animaux) et de ravir Rihanna dans le public, prenant ainsi la première place de Bitch du mainstream. Son modèle pornographique a chuté ; perruque blonde agrafée sur le crâne (qu'elle s'est entièrement rasée dans tous les Closer), lentilles bleus cachant la drogue dans les yeux, chorégraphie mollassonne digne d'un spectacle d'otarie dans un zoo, accompagnement parfait de son affreux clip de pôle Dance... Je m'arrête là, les critiques de l'époque n'y étant déjà pas allé de mains mortes, moins d'érections à gérer. Et pourtant, c'est un mois plus tard que sortira son meilleur album... enfin... « son »...

Difficile de dire que cet album est celui de Britney Spears. On le sait, la "bitch" a toujours réussi à bien s'entourer, pas forcément dans sa vie privée, mais musicalement. Elle et ses agents savent quels producteurs appeler et quand. Alors que Timbaland est à son plus haut niveau de hit-maker, ils font appel à Danja, son co-producteur (qui est d'ailleurs devenu bien meilleur que son aîné avec le temps). Ils font également appel à Bloodshy & Avant, à l'origine entre autres de « Toxic », encore considérée aujourd'hui comme la meilleure chanson de la New Milf, même par des magazines sérieux comme Rolling Stone, NME ou Closer. The Neptunes et Kara Dioguardi sont également de la partie. Le but est de faire remonter Britney qui est alors au fond du gouffre, de lui offrir une Rehab' musicale et qu'elle en obtienne assez de fric pour se payer celle qui la débarrassera de ses addictions.

Tâche difficile, surtout quand on sait que l'ex-droguée venait souvent torchée au studio, enregistrer ce qu'elle arrivait à sortir de la bouche, autre que du dégueulis. Mais c'est là qu'est tout le talent des producteurs, et c'est même pour cela que l'on peut dire que c'est un album DE producteurs principalement. Avec le peu de matériel que Britney a du leur offrir, ils ont réussi le pari d'en sortir 12 morceaux électro-pop sur-produits mais d'un niveau touchant le sublime. Prenant le single « Gimme More » : ce que l'on entend d'abord, c'est un travail de sampling, Danja s'amusant à reprendre des bribes de chant, de mots, de sons ou de gémissements que la pauvre a réussi à émettre. Et Paf ! Il t'en fait un premier tube dansant et érotique parfait, tout ce dont on pouvait s'attendre d'elle ! Et il suivra la même formule sur « Get Naked », sans doute mon morceau préféré de l'album, me retrouvant moi-même nu après son écoute.

Là encore, la formule joue sur la répétition, devenant addictive, presque orgasmique lorsque l'arpegiattor fait son entrée. Britney chuchote, rie, s'extasie et ne chante pratiquement pas, remplacée sur les refrains par une voix grave et transformée dont Danja a le secret. Sur l'ensemble de l'album d'ailleurs, les voix de Britney ne se ressemblent pas d'un morceau à l'autre. Elles sont toutes retouchées, filtrées, auto-tunées, quitte à jouer sur le trafiqué, à paraître robotisée, provoquant un sentiment de malaise. Mais n'est-ce pas alors la musique parfaite dans une époque faite d'illusion et de faux-semblants, où chaque immondice peut être photo-shoppée jusqu'à paraître sexy pour le plus farouche des abstinents ? Britney n'était plus que l'ombre de soi-même ; ses patrons, agents et producteurs ont préféré continuer à faire danser la marionnette comme un « Toy Soldier » prêt à amasser du cash. Black Out est un impressionnant numéro de ventriloquie !

« Piece of Me » qui se voulait un single critique envers les paparazzis et les « jaloux » qui lui crachent dessus semble peu convaincant quand elle chante mais dès qu'on entend la patte des producteurs, peu discrète, jouant sur les effets pour améliorer la voix et l'ensemble, on touche au génie de la retouche et on adhère. Quelle belle pièce electro-pop ! Et ces pièces s'enchaînent sans qu'on en trouve une réellement mauvaise, « Radar », « Break The Ice », « Hot as Ice »... « Why Should I Be Sad » est une bonne conclusion signée Pharell Williams, « Heaven on Earth » aurait pu être un single à succès de Kylie Minogue, seule « Ooh Ooh Baby » est peut-être un peu en-dessous... mais non ! Les producteurs s'amusent et on ne peut cacher qu'on prend notre pied aussi.

Black Out est la représentation parfaite de ce qu'est devenue la pop mainstream de nos jours et les quelques chanteuses qui la font, vendues comme des produits bien emballés et sexy alors qu'elles ne possèdent pas forcément de qualités artistiques, voire vocale à la base. Black Out signe l'apogée du règne des producteurs dans ce système et nous montre ainsi qui sont réellement les patrons dans l'univers musical. Mais surtout, Black Out est une belle collection de tubes électro-pops, addictifs et dansants, une ambiance à part dans la disco de Britney, Britney dont l'esprit ne fait que planer sur la plupart des titres, signant au passage son sommet alors même qu'elle en était tout en bas. Si ça ce n'est pas un coup de strip-poker !
Strangeman57
7
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le 18 nov. 2014

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