Blue Banisters articule les désillusions multiples à une recherche du sacré : la quête d’un père que l’on pensait avoir trouvé à Brentwood et qui pouvait nous voir dans notre « splendeur » (« Text Book »), le recours à la prière et la foi en un miracle qui sont redoublés par la mise à la rime d’Arcadia et d’America, l’une étant du côté de la pureté originelle et mythique, l’autre du côté de la dépravation et de la déception (« Arcadia »). L’entrelacs d’une réalité décevante et d’une aspiration à toucher l’infini passe par un hommage rendu à la country music et au jazz de la Nouvelle-Orléans – on pense à la magnifique « If You Lie Down With Me » – qui, tous deux, rythmaient la douleur et trouvaient dans la musique interprétée ensemble une échappatoire à la morosité ambiante. C’est-dire que si le corps de la chanteuse est une carte de Los Angeles, si sa personne est hantée non par la maison natale mais par l’hôtel Hilton – en souvenir certainement des compromis et des humiliations acceptés pour « devenir quelqu’un » –, sa voix demeure un vecteur de libération et d’accès à une réalité supérieure dans une temporalité curieusement suspendue, flottante et enivrante. Un album magnifique qui propose, à sa manière, une alchimie poétique et musicale.