Blue Moon
7.5
Blue Moon

Album de Ahmad Jamal (2012)

Il jouait du piano en déambulateur

Sans Ahmad Jamal pas de Miles Davis ni tant d'autres musiciens qui admettent être "entrés en religion" ou avoir fait évoluer leur pratique après avoir vu le maître honorer son piano.

Sans "Heat Wave" (1) peut-être serais-je resté à la porte du jazz. Tout jeune, cet album m'a fait découvrir un univers que je ne soupçonnais pas, fait de sensualité, de mélancolie et de rage. A lui tout seul, Ahmad Jamal a dépoussiéré un genre, modernisé le jazz sans jamais en oublier les racines, ouvert de nouveaux horizons en créant son légendaire trio. D'ailleurs le natif de Pittsburgh ne parle pas de jazz mais de musique classique américaine. Depuis ses vingt ans, il enregistre, se produit sur scène avec un sens du sacrifice quasi monacal. Accouchant parfois de quatre albums par an, il a donné sa vie à la musique et à son Steinway & Sons avec qui il a fini par ne faire qu'un.

Si les compositions de Frederick Russell Jones sont souvent de facture classique, ce qu'il sort de son piano est en revanche inimitable. A l'image d'un Art Tatum, son influence majeure, il caresse, effleure les touches plus qu'il ne les maltraite et c'est quand il oublie qu'il est un technicien de génie qu'il est le plus touchant.

A plus de 80 ans, le vétéran a décidé de sortir de la routine en signant avec Jazz Village et en s'entourant d'un trio inédit composé de deux de ses fidèles, le batteur Herlin Riley et le percussionniste Manolo Badrena, et d'un petit nouveau, le contrebassiste Reginald Veal.

Le cinéma a toujours aimé Jamal, ceux qui ont versé des flots de larmes devant "Sur la route de Madison" lui doivent beaucoup, et c'est cette fois au tour de notre octogénaire de le lui rendre par l'intermédiaire de ce "Blue Moon" en forme d'hommage, de voyage, à la fois flamboyant et modeste. Flamboyant car d'une richesse incroyable mais aussi modeste car accessible à toutes les oreilles, même celles qui d'habitude saignent lorsque retentit une note de jazz.

Dans un monde si sombre, 75 minutes de lumière divine ne se refusent pas...

http://youtu.be/NU-Ym-rD64w

(1) http://www.senscritique.com/album/Heat_Wave/5924346

http://www.senscritique.com/album/Saturday_Morning/critique/27989232
takeshi29
8
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le 28 nov. 2013

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takeshi29

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