Que ce soit clair: Jeff Mills est un génie. Sa réputation n'est plus à démontrer, et c'est fort de son aura qu'il prit l'initiative d'arranger ses tracks pour un orchestre symphonique entier. Il faut saluer l'idée, qui malheureusement n'est pas à la hauteur de son ambition et démontre encore une fois que les créations les plus révolutionnaires sont assez rarement les plus intemporelles. Certes, Blue Potentiel a un petit statut d'oeuvre culte dans le milieu électro, mais il faudrait redescendre sur Terre, car il a bien vieilli.
Le principe est finalement simple, Jeff Mills accompagne en live avec une Roland 707 des arrangements pour orchestre de ses morceaux. Trop simple, peut-être. Car Jeff Mills est à la fois un des DJ les plus spectaculaires à regarder tout en étant un des plus subtils à écouter mixer, en plus d'être un maître de l'impro sur boite à rythme. Il est donc dommage de le voir ici se borner à poser des beats à la volée. D'autant plus que le mariage des genres, s'il est bien tenté, ne prend pas. L'orchestre a un son trop ample qui jure avec les claps tranchants de la 707, et les beats sont assez convenus. L'ensemble manque d'enthousiasme, donne une impression de ne jamais décoller tout à fait, et de tourner un peu à vide. Et de constater un peu amèrement que finalement, les arrangements en eux-mêmes ne sont pas vilains et se seraient suffit à eux-mêmes sans qu'on y rajoute la boîte à rythme.
Reste quelques moments où la magie fonctionne mieux, je ne saurais expliquer pourquoi (sur Eclipse, notamment). Pour le reste, si sur le moment ce fut un concert d'un type inédit, il est clair que le mariage entre électro et musique classique a connu depuis de meilleurs jours: prenez le temps d'écouter le méconnu ReComposed de Carl Craig & Moritz von Oswald, sorte de réinvention minimale de Ravel et Moussorgsky qui est juste sublime, ou encore dans un registre moins aride, la réinterprétation très "epic soundtrack" des Quatre saisons par Max Richter...