La brutalité inouïe avec laquelle débute ce live électrisant du tandem Captain Beefheart / Frank Zappa a de quoi réveiller les moribonds du paysage rock. Dans un tourbillon free de percussions détraquées et de trompettes cuites, le Captain crache toutes ses tripes pour annoncer la couleur salasse que prendra ce live dopé aux orgues, guitares et cuivres paranos. Sans attendre une seule seconde, l'introduction de l'inédit Carolina Hard-Core Ecstasy prend le relais et rappelle les accords grunge orageux de Neil Young, portés par les harmonies des Mothers et de Zappa. Les interventions purement narratives du Captain viendront temporiser les attaques qui surviennent d'un peu partout. Attendez que "Bongo Fury" retentisse, sous les accords de Louie Louie en mode fanfare ivre.
Chronologiquement parlant, Bongo Fury est le live le plus urgent de Zappa, délaissant les boucles et virées orchestrales chevronnées dont personne ne connait l'issue pour se concentrer sur l'immédiateté et une narration onirique parsemant de gros titres made in usa : 200 Years Old met à l'amende tout ce que les Stones et ACDC tireront du blues avec une guitare. La suite des festivités n'est pas en reste et l'on sent les Mothers, libres, jamais loin de franchir la ligne de la dérision, tout juste ramenées dans les rangs par la guitare mortelle de Zappa et l'harmonica sauvage du Captain sur Advance Romance avant de conclure sur un Muffin Man rivalisant d'audaces sonores. Bongo Fury est probablement l'album de Zappa le plus ancré dans le roots rock américain, ne déviant que très rarement et rappelant à l'auditeur combien même les plus cinglés pouvent être les plus virtuoses dans leur domaine.