Born Villain
5.4
Born Villain

Album de Marilyn Manson (2012)

Bon, autant le dire tout de suite : je suis déçu par la nouvelle créature musicale de Marilyn Manson. Comme d'habitude, l'artiste a su faire monter lentement la sauce, distillant peu à peu dans les médias les précieuses informations dont allaient se repaître ses fans jusqu'à la sortie de cet opus. Au départ, il avait l'intention, paraît-il, de pondre un disque assez court, de dix titres maximum (il y en a finalement quatorze, mais il aurait mieux valu qu'il s'en tienne à son idée de base). Il parlait d'un album concept ; mais j'ai beau l'avoir écouté plusieurs fois, avoir lu les paroles, que nenni, ou alors c'est très très flou : disons qu'il est souvent question de naissance, de mort, ou de certaines formes de soumissions (sociales, amoureuses, sexuelles...) en des termes plus ou moins symboliques. Il est donc préférable de parler d'un album « à ambiance », ce qui est déjà beaucoup plus juste : « Born Villain » est son œuvre la plus sombre depuis « Holy Wood », la plus brutale depuis « Antichrist Superstar ». Ce sont sans doute ces deux adjectifs qui la résument le mieux. Ah, attendez, je viens de piger : peut-être que le concept, c'était juste de faire un truc bourrin ? J'exagère un peu, mais hélas, on n'en est pas loin.
Comme on pouvait s'y attendre, Manson va sûrement parvenir, avec ce disque, à retrouver la pelletée de fans qu'il avait perdu depuis la parution de « Eat me, Drink me » et « The High End of Low », jugés trop pop et, justement, pas suffisamment violents par ces gens que la subtilité n'étouffe pas. Il a d'ailleurs lui-même déclaré que lors de la conception de ses derniers travaux, il se sentait mort, complètement vide, et que « Born Villain » lui avait donné l'impression de renaître. Mouais. A un moment ou à un autre de leur carrière, les artistes nous font souvent ce fameux coup du retour aux sources : j'attendais de voir. Pour être franc, j'étais persuadé qu'après avoir brisé sa carapace pour dévoiler sa forme humaine, Manson serait incapable de s'en reconstruire une... Il faut croire que je me trompais ! Il a souvent fait allusion dans ses chansons au bestiaire des insectes ; il ne m'en voudrait donc pas si je le comparais à présent à un scarabée à la coque noire et luisante, mais un scarabée zombifié, ou robotisé, ou génétiquement modifié. Bref, un truc gênant, un peu dégoûtant et increvable.

On ressent effectivement à l'écoute de « Born Villain » une certaine force nouvelle, mais froide, presque inaccessible. La puissance d'un tyran calculateur, sans états d'âme. Y'a qu'à voir le regard dénué de sentiments qu'il arbore sur la pochette. L'émotion et la mélancolie, explorées avec talent depuis « Eat me, Drink me », sont ici piétinées, anéanties par des guitares tranchantes, lourdes comme des pierres. Tout juste percent-elles timidement le bouclier de l'Antichrist sur les deux derniers titres. La musique n'a qu'un but : au mieux, vous maintenir dans un noir total ; au pire, vous fracasser la gueule par terre (Manson a rarement été aussi bœuf que dans « Murderers are getting prettier every day »). Concrètement, cela se traduit souvent, comme je le disais, par des riffs assommants agrémentés de larsens cradingues, mais aussi par une utilisation régulière de boîtes à rythmes, de sonorités electro un peu dark, et de quelques synthés pesants. Vous allez me dire que j'ai oublié de parler du chant, mais c'est inutile, parce que comme vous devez vous en douter, la rupture des cordes vocales n'est pas loin. En revanche, ce que je n'omettrai pas d'évoquer, c'est cette façon plutôt grossière de composer les morceaux, qui est finalement le principal reproche que l'on peut adresser à « Born Villain » : on fait le vide lors des couplets (en ce qui concerne « Pistol whipped », on sombre même dans un vide intersidéral), pour mieux balancer la purée dans les refrains. Le problème, c'est que cette technique est loin de suffire pour relever le niveau d'une majorité de titres pas forcément inspirés. Seule une poignée d'entre eux se détachent, sans atteindre pour autant des sommets : « Hey cruel world », « No reflection », « Slow-mo-tion » et « Breaking the same old ground ». Sans oublier le bonus, « You're so vain ». Pour le reste, c'est finalement juste passable. Voire carrément moyen (« The gardener », « The flowers of evil »). Et vu que la majorité des morceaux sont construits à l'identique, l'appréciation de chacun variera presque exclusivement en fonction de la qualité des refrains (davantage, en tout cas, qu'en fonction de celle des couplets, que les plus optimistes qualifieront de « minimalistes » lorsqu'ils sont plutôt sans saveur).
Bref, on a beau avoir affaire à un disque au caractère bien trempé, qui dégage quelque chose (et d'abord les oreilles), il pêche par d'évidentes lacunes mélodiques qui, globalement, empêchent son contenu d'emporter franchement l'adhésion. Malgré l'énergie déployée, la résurrection souhaitée par Manson ressemble plus à un exercice de style qu'à une profonde remise en question. « Born Villain », c'est le sursaut de fierté du provocateur, le sol qui tremble un peu, le volcan qui vomit quelques coulées de lave. Rassures-toi, Marilyn : t'as beau avoir le pseudo d'un sex-symbol, tu as encore des couilles.

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le 5 mai 2012

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Psychedeclic

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