Parler d'un amour n'est jamais chose facile, vous me direz. La chose est encore plus difficile quand l'objet de votre amour est âgé de quelques siècles. En plus, vu la situation du classique sur le site, on a de grande chance de ne pas être entendu lorsque l'on commence à clamer de farouches louanges passionnées sur telle ou telle vieillerie. Une grande partie s'en tape le coquillard, l'autre, dont je fais partie, fout tellement de 10 à tous les Mozart, Bach et autre Beethoven qu'on arrive plus à savoir s'il y a du génie là-dessous ou si la seule condition «Bordel, c'est du classique, c'est donc mieux par définition que tout ce qui existe sur terre .» suffit. (J'ai d'ailleurs très peur de la prochaine invasion du Top 111 qui s'annonce...)
Mais peu importe, allons-y : les «Concertos Brandebourgeois» cristallisent à peu près en 6 exemples toutes les raisons qui me font aimer cette genre musical fourre-tout que l'on aime bien nommer «le baroque». Rien à voir avec certaines qualités habituelles, pas de beauté là-dedans. Oh, non, non, les compositions sont trop difformes pour cela. Point de création d'atmosphère non plus, Bach ne prend clairement pas assez son temps. Il s'agit de quelque chose qui me touche bien plus : de la folie pure. Une explosion instrumentale et mélodique qui part dans tous les sens sans se préoccuper de rien. Johann ne prend même pas soin de la forme contrairement à son habitude, il n'y a pas de structure fixe, on oublie d'indiquer les tempos, de composer des mouvements, on les rallonge parfois à gogo,... Il s'en carre les noisettes avec une telle puissance !
Il se contente alors juste de nous envoyer à la gueule ses milliers d'idées musicales par secondes. Et elles marchent quasiment toutes ! Des mélodies en veux-tu en voilà, des cors, des trompettes, des flûtes, des hautbois prenant le rôle des solistes de manière totalement aléatoire, des variations surgissant de nulle part, cet enthousiasme fou qu'il insuffle à chaque petite note ! Voilà comme j'aime mon baroque : fougueux, indomptable, d'une richesse et d'une générosité quasi-infinie.
Et pourtant ces concertos sont tellement singuliers dans l'œuvre rigoureuse et bien agencée de Monsieur Sebastian qu'on pourrait les considérer comme simples et frivoles. Cela serait tellement facile... et tellement injuste...
(Niveau interprétation, c'est le merdier. Je ne suis étonnamment pas fan de la version Il Giardino Armonico et j'ai l'habitude de me passer plutôt cette version de Reinhard Goebel, excessivement rapide, mais que j'aime énormément.)