Les L7, c’est con mais bon. Il n’est pas nécessaire de justifier toute la sympathie qu’on peut avoir pour elles en s’attardant sur l’aspect féministe de leurs textes (qui ne volent pas souvent haut de toute manière). Les gonzesses de Los Angeles font dans le reuk & reul à gros riff velu et c’est suffisant pour être enthousiasmé par la musique. Rien que le nom de leur troisième album donne le la : Bricks Are Heavy ou les briques sont lourdes dans la langue de Molière. Il n’y aucun double sens ou de distance intellectuelle chez ces rockeuses. Elles foncent dans le tas avec cette morgue punk qui les a caractérisées durant toute leur carrière.
Enfin ce qui est surtout lourd sur ce disque, ce sont les guitares. Plus metal que sur leurs précédents efforts studio. De plus, le son est plus lisse et si cela rend leur punk metal plus accessible pour Monsieur/Madame tout le monde, ça donne parfois un côté pataud au groupe. Quoi de plus logique lorsqu’on découvre que c’est Butch Vig derrière la production. A cette époque, il est le Rick Rubin de l’alternatif. Celui qui parvient à rendre commerciales des sorties qui n’ont pas forcément cette prétention. Nevermind étant son travail le plus célèbre. Hélas, il a aussi cette fâcheuse manie à nettoyer la crasse avec ses gants Mapa et son seau rempli de javel puisqu’il a beau apprécier le rock du début des 90s, il aime également tout ce qui brille ! Bref, il n’a pas encore trouvé ce fragile équilibre qui lui permettrait d’éviter cet écueil de la propreté à l’excès (Siamese Dream des Smashing Pumpkins sera sa plus grande réussite sonore).
Cependant, c’est grâce à sa participation et un contexte favorable que les L7 font paraître leur plus importante vente. 1992, c’est aussi le centre névralgique de l’âge d’or commercial du grunge. Le grand public a rapidement accepté ce retour d’un rock lourd, sale et à la mentalité de franc-tireur directement issue de l’underground Américain. Si le genre s’est rendu nettement plus abordable à cette occasion, il n’a rien perdu de son originalité ni de son peps. Ce qui justifie amplement sa place dans l’histoire de la musique tant ce grand écart n’est pas évident à réaliser.
Bricks Are Heavy s’inscrit donc dans la lignée des deux grands succès qui ont fait émerger ce courant de l’inconnu. Tout comme pour Ten et Nevermind, le son reste discutable tant il fait perdre en brutalité noisy. Mais si on voit le verre à moitié plein, on peut également y trouver des avantages (cet aspect moëlleux chez Ten qui le rend, finalement, unique dans le grunge ou le côté indécemment accrocheur de Nevermind). Si ce disque des Amazones de la Cité des Anges n’a pas l’énergie frondeuse de l’essentiel Smell the Magic, il met mieux en valeur leurs riffs mi-stoner, mi-heavy metal. Ce qui est cohérent avec l’orientation plus metal se faisant entendre ici.
« Wargasm » n’est pas d’une grande rapidité. Néanmoins, son riff rugissant fait démarrer les hostilités pied au plancher. La pesanteur des guitares se fait quelques fois inédite dans leur son (« Diet Pill »), certaines idées surprennent agréablement (les percussions de « Mr. Integrity » ou l’obsédante ballade bluesy « One More Thing »), seulement le must, ça reste tout de même quand les nanas balancent du refrain hargneux et fédérateur (les trois dernières pistes, particulièrement mémorables). Cela marche, étonnamment, moins bien quand elles insistent sur la pédale d’accélérateur (« Slide »).
A ce sujet, j’en arrive au morceau qui permit à la bande de se faire remarquer dans les charts : « Pretend We're Dead ». Un hymne absolu aux paroles faussement simplistes car très politiques en réalité. Il s’agit d’une sorte de critique de l’apathie de toute une génération. Le plus troublant, c’est de constater à quel point ce message reste d’actualité.
Musicalement, c’est certainement un des titres les plus mélodiques qu’elles aient enregistré. Avec sa guitare enrobée d’un léger fuzz, Donita Sparks invective la populace à travers un mégaphone (en tout cas, c’est l’impression que ça fait) avant d’envoyer un des refrains les plus conquérants du rock alternatif ricain. Sachant que sa fin à rallonge de toute beauté en fait une des plus grandes chansons de cette période et de Bricks Are Heavy, un des très bons albums du grunge.
Chronique consultable sur Forces Parallèles