Vraiment sous-estimé
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le 23 mai 2022
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Question ! Brotherhood ne serait-il pas le meilleur album du New Order des années 1980 (je mets de côté Movement qui est à part) ?
Un disque pas toujours cité par les fans, souvent un peu négligé par les critiques et il est même parfois considéré comme le préféré des non-fans du groupe… La réponse semble évidente, mais ce n’est jamais aussi simple.
Brotherhood est à l’image de ses créateurs : schizophrénique car mélancolique, rock mais également tenté par l’envie d’envahir les dancefloors. Pour renforcer encore plus la confusion, l’album est divisé en deux moitiés.
La première est ce qu’ils ont fait de plus proche du post-punk, même si on reste toujours dans une mélancolie blafarde plutôt que dans la dépression post-industrielle de Joy Division. En réalité, c’est très sobre et sans fioriture par rapport à l’électropop qui les a fait connaitre. On est finalement plus proche de l’indie pop rock de ces années que de la new wave dans le fond. Les Smiths ne sont pas si loin, sans oublier les Pastels.
La comparaison a l’air absurde ? Je l’ai dit, les apparences ne sont pas toujours aussi simples. Car si New Order a permis de réveiller la future scène dance psyché rock que la presse nommera "Baggy / Madchester", leur influence musicale se ressentent plus sur les adolescents désœuvrés de la Twee Pop (demandez aux Field Mice qui était leur principale source d’inspiration !). Bernard Sumner s’est bien amélioré dans sa manière de chanter depuis Power, Corruption & Lies. Mais il aura toujours ce côté gauche et maladroit qu’on a pourtant du mal à critiquer à force, puisqu’il est aussi empli d’une mélancolie solaire qui serait probablement ridicule chez quelqu’un d’autre.
« Broken Promise » et « Way of Life » se permettent même quelques dérapages noisy dans les riffs ! Ce n’est pas du Sonic Youth, mais on sent bien que la formation est à l’écoute de ce qui se passe du côté de l’underground (et c’est ce qui explique en partie que leur niveau et leur popularité ne faiblira pas durant toute une décennie).
La seconde moitié se concentre sur ce qui a surtout fait la réputation de la bande auprès du grand public : cette synthpop bâtarde entre dance, house et résidus de rock (la basse de Peter Hook s’étant toujours merveilleusement mêlée à leurs sonorités électroniques). Inutile de faire les présentations pour « Bizarre Love Triangle », c’est juste un de leurs plus gros hits. Imparable sur une piste de danse mais mixé à une pointe de mélancolie qui la rend à part, c’est la patte de New Order.
Les Britanniques balancent même une pièce presque symphonique (« All Day Long ») se permettant quelques envolées lyriques du meilleur effet. Même chose pour « Angel Dust » qui ose sortir les violons synthétiques pour un résultat aussi époustouflant. Ce sont deux des meilleures pièces du quatuor. Plutôt kitsch mais également aussi jouissives que les meilleurs débordements du rock progressif ! C’est du gros n’importe quoi…
…Du n’importe quoi comme cette comptine absurde qu’est « Every Little Counts ». Comment expliquer une conclusion pareille ? La drogue ? L’envie de montrer qu’on ne se prend pas au sérieux ? Je ne sais pas et je m’en fiche. Parce que cette chanson est aussi désopilante que les moments les plus nunuches du Velvet Underground (pensez à « I'm Sticking With You »).
Brotherhood est donc l’œuvre la plus décalée des Mancuniens et l’une des plus intéressantes. Les corbeaux fans de Ian Curtis ne la comprendront pas. Les fans d’électropop non plus et c’est tant pis pour eux. New Order a toujours été un groupe foutraque. Des feignants qui cumulaient les éléments contradictoires et qui ne sont pas restés enfermés dans l’image qu’on pouvait avoir d’eux à la mort de leur envahissant premier chanteur.
Brotherhood est une déclaration d’indépendance.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs albums des années 1980
Créée
le 27 août 2015
Critique lue 637 fois
8 j'aime
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