Brothers in Arms
7.5
Brothers in Arms

Album de Dire Straits (1985)

Ça y est, c’est avec Brothers in Arms que Dire Straits rencontre le succès qu’il mérite. 1985 est l’année du Straits, les voilà à remplir d’immenses stades dans une tournée grandiose, leur clip de Money For Nothing passe en boucle, ils s’imposent au Live Aid entre Queen, Phil Collins et David Bowie, ils ont même le plaisir de jouer avec Eric Clapton et Sting. Mark Knopfler obtient une renommée mondiale, bref, avec Brothers in Arms, Dire Straits devient LE groupe des 80’s. C’est bien simple, vous regardez toute la face A de l’album, vous avez forcément entendu tous ces morceaux à la radio.


Et pourtant, cet album pourrait presque sonner comme le début de la fin pour le groupe. Ils ont rempli leur contrat de cinq albums avec Phonogram, Knopfler se détache assez pour envisager une carrière solo et il faudra attendre 1991 soit six ans plus tard pour un nouvel album de Dire Straits.


Et puis finalement, que reste-t-il du Dire Straits originel ? Pas grand-chose je vous dirai.


En effet, quand on regarde un peu les membres du groupe, il ne reste finalement que Mark Knopfler et John Illsey comme membres permanents. Terry Williams a remplacé Pick Withers à la batterie, Alan Clarke aux claviers est arrivé durant les sessions de Love Over Gold et ici, il est rejoint par Guy Fletcher (ça nous fait donc deux claviéristes ce qui indique bien l'évolution du groupe). Bon par contre, niveau musiciens additionnels, c’est le festival tellement il y en a. On retrouve même Sting puisqu’il a coécrit Money For Nothing et y chante un peu.


Et d’un point de vue musical, là encore, ça n’a plus rien à voir avec les débuts du groupe. Comme je le soulignais dans ma critique de Communiqué, Dire Straits est dans sa deuxième période avec des morceaux bien plus variés, rien qu’au niveau des instruments. Je comprendrai presque qu’un fan de la première heure rechigne face à Brothers in Arms tant il est différent sur tous les points.
Mais au final ? Est-ce que le fait que Brothers in Arms soit l’album le plus vendu du groupe (plus de trente millions de copies vendus et le premier grand succès du support CD), en fait le meilleur album de Dire Straits ? Voyons cela...


Comme je le disais plus haut, il suffit d’écouter la face A pour se rendre compte de la démesure de l’album. Brothers in Arms est une véritable machine à tubes qui méritent leur succès. So Far Away est un très beau morceau avec un riff super sympa, un Knopfler inspiré aux textes. Mais l’ouverture de l’album est très vite oubliée par le tube ultime du groupe, la terreur de la radio avec son riff culte, Money For Nothing.


Pendant un certain temps, je n’étais pas fan de Money For Nothing, je le trouvais sympa, mais sans plus. Mais en fait, il faut l’écouter en live ou sur de grosses enceintes pour l’apprécier à sa juste valeur. Pour avoir entendu Knopfler le jouer en live, c’est vraiment un morceau de dingue. A commencer par l’intro de clavier hypnotisant et le solo de batterie (seul fait d’arme de Terry Williams de tout l’album), intro qui sera, des fois, occulté dans certaines versions live. Bref, ce bon gros solo de batterie qui laisse tout à coup place à un des riffs les plus connus du rock, c'est quand même bien jouissif. Le son bien caractéristique, la rythmique archi bien calibrée, cet enchaînement de batterie à guitare, les chœurs de Sting, bref, Money For Nothing c’est du lourd et limite, je l’aurai trouvé très bien en morceau d’introduction.


D’ailleurs, ça me permet de parler du son de guitare de Knopfler. Bon, c’est un peu évident, mais Knopfler a délaissé le son très clair de sa guitare électrique pour se pencher sur quelque chose de plus rock. Dans les premiers albums de Dire Straits, Knopfler joue essentiellement avec sa Fender Stratoscater rouge, qui offre un son bien clair auquel il rajoute un delay assez conséquent. Or, ici, Knopfler opte pour l’adversaire de Fender et va fouiller dans les sonorités de la Gibson Les Paul. Un son bien plus gras mais plus dense. Pour citer quelques noms, chez la strat, on retrouve notamment David Gilmour (élu meilleur joueur de strat), Eric Clapton et aussi un peu Hendrix (même si c’était un peu un touche à tout). Et chez la Les Paul, on retrouve Jimmy Page ainsi que Slash qui est carrément l’ambassadeur de ce modèle.


Bref, revenons-en à Brothers in Arms, désolé pour cette digression. Walk of Life arrive après Money For Nothing et est lui aussi est un véritable tube avec sa rythmique super entraînante, le riff de clavier (chose peu commune chez le groupe) que vous avez forcément entendu ainsi que le chant enjoué de Knopfler, bref, que du bon.


Et après… je trouve qu’on perd en qualité. Alors, je sais que You Latest Trick est un tube, que son solo de saxophone est génial, mais à part son saxophone, il n’y a pas grand-chose de ce morceau dont je suis fan. Bon certes, je lui ai mis 8/10, mais c’est juste que je le range vraiment pas dans les meilleurs morceaux du groupe. J’aurai même tendance à le trouver trop long.


Qu’en est-il alors de Why Worry, là encore, trop long mon Marko ! Je vois bien que t’aime poser des ambiances, et vraiment, niveau ambiance, on est servi dans cet album, mais il ne faut pas y aller à outrance. Why Worry, c’est vraiment le moment où tu te rends compte que Brothers in Arms est un album long. Bien plus long que les précédents (il fait presque une heure) et cette transition entre la face A et la face B se fait avec douleur.


Car même une fois Why Worry (qui fait quand même 8min30) terminé, on entame la face B avec Ride Across the River qui fait sept minutes. Et là encore, trop long ! J’ai beau apprécier l’ensemble, il y a toujours ce moment où je regarde où j’en suis dans le morceau…parce que trop long. C’est une critique que j’entends souvent concernant Dire Straits, ils font des morceaux trop longs, et d’accord, c’est le cas pour Money For Nothing, Tunnel of Love ou même Telegraph Road (qui dure 14min), mais à aucun moment on ne s’ennuie. En revanche, Why Worry et Ride Across the River, je veux bien le comprendre, et enchaîner ces deux morceaux à la suite, ça fait mal. C’est vraiment une grosse faiblesse à l’album et je trouve ça vraiment dommage parce qu’il commençait vraiment bien.


Bon, on rattrape un peu les meubles avec The Man’s to Strong qui bénéficie d’un refrain vraiment percutant qui réveille bien et qui prépare pour la conclusion de l’album. One World est court, assez mouvementé mais ce n’est pas un morceau qui se fait vraiment remarquer.


Et c’est donc après un chemin semé d’embuches, après d’immenses hauts (Money For Nothing, Walk of Life) et des bas (Why Worry, Ride Across the River qui sont pas mauvais, vraiment, mais c’est long), qu’on arrive enfin, au morceau final ! Et autant, Dire Straits a l’habitude de balancer tout ce qu’ils ont dans les premiers morceaux, autant, ici, ce sera la seule fois de leur carrière où le morceau final est le meilleur. Brothers in Arms le morceau titre est un véritable chef d’œuvre. Ici encore, Mark Knopfler ressort sa Les Paul mais nous offre-là, une sonorité que je n’ai jamais entendue ailleurs venant de cette guitare. Brothers in Arms est envoûtant sur tous les points. De l’arrivé progressive du clavier, l’apparition de la flûte pour laisser place à une guitare sombre et dépressive puis la voix calme de Knopfler comme s’il chuchotait : dès sa première minute, Brothers in Arms nous emporte.


C’est très certainement pour moi, le meilleur morceau du groupe derrière Telegraph Road. D’un point de vue musical, Brothers in Arms renferme une puissance qu’il laisse petit à petit se dévoiler au fil des couplets. La structure du morceau est elle-aussi remarquable, elle consiste en un enchaînement de couplets puis de solos de guitare (un peu à la manière de Telegraph Road mais dans une ambiance bien différente). Chaque solo monte en puissance pour un final vraiment beau où Knopfler laisse le clavier de Guy Fletcher faire son p’tit solo avant de revenir en force avec un final vraiment puissant (final encore plus fou en live).


Et puis il y a le texte, poétique dans l’horreur, voilà comment je le décrirais. Brothers in Arms, comme son nom l’indique, est une complainte d’un soldat pendant la guerre. Laquelle ? Nous ne le savons pas. Quel camp ? Non plus. Knopfler ne prend le parti de personne. Il raconte la guerre dans toute son horreur, évoque sa vieille ferme qu’il ne reverra jamais, remercie ses frères de guerre qui ne l’ont pas abandonné, et fini sur une note bien pessimiste puisque « Every man has to die / But it’s written in the starligh, and every line on your palm/ We’re fools to make war on our brothers in arms ». Un texte sidérant de beauté, riche de sens et propice aux interprétations, tout ce que j’aime et totalement en accord avec le ton général du morceau.


Brothers in Arms le morceau, c’est ce final magnifique, ce solo d’enfer qui te quitte en fade out, le solo qui te fait grimper le volume sonore juste pour en entendre un peu plus avant que tout s’achève. Brothers in Arms, la pépite pessimiste mais tellement belle qu’elle aussi, passe en boucle à la radio. Un morceau qui sauve aussi un peu l’album parce qu’il est finalement le seul moment marquant de la face B.


Mais dans son ensemble, que penser de Brothers in Arms l’album ? Parce que mine de rien, c’est un album sacrément hétérogène. On a la fois de véritables morceaux d’anthologie qui parcourent ici et là l’ensemble de l’album, mais on a quand un gros creux de quinze minutes au milieu. Donc non, je n’irai pas dire que c’est le meilleur album de Dire Straits. Loin de là. Je lui reconnais ses qualités indéniables, les arrangements sont toujours aussi fous, Knopfler nous offre des compositions magnifiques et des solos d’envergure. Un album qui n’a pas démérité son succès mais qui a quand même quelques faiblesses. N’empêche, il n’en demeure pas moins culte.

James-Betaman

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5

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