En cette année 1970, à l'aube d'une décennie qui fera naturellement évoluer la musique, Nick Drake revient avec Bryter Lyter, toujours accompagné par pléthore de musicien, et Joe Boyd toujours à la production. Seulement 1 an après un Five Leaves Left plutôt resté peu connu, le couvert est remis.
Cette fois, la production est encore plus iconoclaste, et enterre l'image intimiste du premier album, qui était pourtant déjà très "orchestral" de par le nombre de musiciens impliqués. Nick Drake reste fidèle à une mélancolie douce amère, dans l'écriture comme dans les textures, toujours intime mais moins, laissant place à un album quelque peu surproduit, mais c'est aussi ce qui fait son charme. Des sonorités jazzy, aux grooves inattendus, même parfois presque latine ou bossa nova, le tout assez "pop", lisse. Rien à voir avec l'acoustique épurée qu'on retrouvera sur Pink Moon après 4 ans d'absence du poète anglais. Car, en effet, il confirme ici qu'il est toujours un habile parolier, et un homme de culture, de référence, et qui ne renonce jamais à l'authenticité, même avec un producteur arrangeant, polissant un peu trop son oeuvre.
Mais bon, l'aspect technique était aussi dans ses cordes, vu que le mec voulait un album se rapprochant des sonorités d'un Pet Sounds, et on le voit assez vite de par les textures baroques de l'Introduction, évoquant les plages instrumentales du classique des Beach Boys.
L'album divisera à sa sortie, certains le citant comme majestueux, d'autres comme "too much" et trop propre, lisse. Néanmoins, le succès critique est plutôt bon, mais le succès commercial est encore échec, et l'artiste montant déchu se retirera de la musique jusqu'à Pink Moon, enregistré en une nuit, peu de temps avant sa mort.
Que retenir de Bryter Lyter ? C'est un album qui fut un contre succès de par son originalité et son inadéquation avec son temps. Même si propre, très bien arrangé par Robert Kirby, il mêle de nombreuses sonorités peu entendues mixées avec du folk/rock, sur un album entier. La mélancolie opère, et comme sur le premier LP, certaines balades sont plutôt enjouées et rythmées, d'autres sombres et ténébreuses, mais chez Nick la lumière n'est jamais loin. Une différence à noter est la présence de 3 instrumentaux venant ponctuer à merveille l'album.
Bryter Lyter est un complément génial à Fives Leaves Left, et atteint presque le chef d'oeuvre le précédant, un peu moins personnel, mais tout autant touchant, appartenant à un univers unique relatif à l'album, une odyssée de 45minutes très agréable, s'écoutant lors de belles après midi pluvieuses ou d'hiver. Poor Boy et Northern Sky sont vraiment des pépites.