Akina Nakamori était peut être la plus grande idol des années 80, en tout cas une vraie star dans son pays. Acclamée pour les tubes qu'elle pouvait pondre mais surtout la sensation qu'elle offrait quelque chose de différent : ses lyrics matures et sa voix plus grave que les chanteuses de l'époque qui la rendait donc assez unique (qui ressemble énormément a celle de Momoe Yamaguchi d'ailleurs) ainsi que la puissante mélancolie qu'elle arrivait a insuffler a ses morceaux.
Elle est aussi connu pour le drame qui la frappera a la fin de la décennie de sa gloire : une tentative de suicide dûe au fait que son mari l'a trompé avec Seiko Matsuda qui était sa plus grande rival. Après cela, nakamori tombera totalement dans l'ombre et sa musique diminuera énormément en qualité jusqu'a ressembler a de la dance pop de super marché avec l'horrible "will" sorti en 1999.
Mais nous sommes en 1986. Nakamori avait sorti coup sur coup, la même année, en 85 deux albums qui la consacreront comme une déesse de l'idol kayo enchaînant les morceaux aussi catchy et dansant que dévastant de beauté douce amère. Alors qu'elle est plus a moins a son sommet commercial, elle sortira l'album qui sera sa consécration artistique : Fushigi. Et oui l'album dont il est question dans sa chronique ! Associée au groupe de new wave "Eurox" qui lui servira de "backing band" pour l'album mais aussi lui permettra de partir dans une direction plus "expérimentale" au niveau de la production et du mix de son album, Nakamori débridera totalement sa créativité et n'aura pas peur de sortir un produit pas du tout calibré pour les radios de l'époque.
Ce qui frappe avant tout dans fushigi, a la première écoute, c'est comment la voix paraît si peu discernable tellement elle est noyée dans la reverbération et le delay. Les instruments paraissent sortir tout droit d'un monde fantastique aussi étrange qu'ennivrant. Cette voix, comme un écho spectral d'outre tombe y règne ici en maître et rend l'atmosphère vraiment intriguante et unique. Au final en oubliant la production on peut penser que l'on a affaire a un album de new wave lambda... que neni ! les influences des styles de cette époque abondent : on a autant du rock gothique, de la darkwave, de la synthpop aux textures si onirique (l'excellent teenage blue qui vous donnera sans douté la larme a l'oeil) mais aussi de la city pop qui battait son plein.
Ce mélange si unique, qui peut paraître un peu messy tant il tient a proposer des idées de progression au sein de la musique pop (et ça vous bombarde de solo de violon en même temps que ça vous envoie des lick de guitare funky, puis des breaks au synth...) mais pourtant si jubilatoire, si rafraichissant ! A la manière d'une Kate Bush, Nakamori nage entre des influences populaires comme plus underground, dont le résultat aura du mal a correspondre totalement aux attentes d'un public qui s'attendait a quelque chose de plus commercial..
Les mélodies vocales de Nakamori sont hypnotisantes et sont certaines de ses meilleurs de sa discographie.
Il en sort alors un album absolument fascinant, que l'on peut penser surfait et se limitant a sa prod vaporeux / éthérée, mais qui pour moi va bien plus loin que ça, car rien dans la pop japonaise ne ressemblait a cela a cette époque ! La pochette contribue également a rendre cet album mystérieux, elle attire forcément l'oeil, se demandant quel type de musique on pourrait avoir a faire ...
(et au pire si jamais la prod vous rebute, écoutez l'EP Wonder qui propose certains morceaux avec un mix plus "normal" ! Mais est-ce que l'on perdrait pas l'essence de ce qui rend fushigi si intéressant?)