Build a Rocket Boys!
7.2
Build a Rocket Boys!

Album de Elbow (2011)

Il y a trois ans, Elbow, attachante formation de Manchester, se débarrassait enfin de son étiquette de valeureux outsider pour accéder à la cour des grands. The Seldom Seen Kid, leur magnifique quatrième album, laissait loin derrière la meute des apprentis Coldplay à laquelle le quintette était injustement associé. Car si l'image de Guy Garvey et de ses acolytes restait des plus floues, leur musique affirmait haut et fort une authentique personnalité. Au-delà des échos et influences évidents (et revendiqués) - Peter Gabriel, Radiohead, Talk Talk... -, The Seldom Seen Kid déroulait une suite de pop songs aussi ambitieuse que sensible et émouvante.Derrière un tel triomphe (outre-Manche, les chansons d'Elbow sont devenues incontournables, des cérémonies de mariage aux stades de foot), on aurait pu craindre pour la suite. Mais Garvey et les siens ont refusé la tentation d'une formule reconduite à l'identique, boostée par une production et des effets racoleurs. Le groupe a juste persévéré dans l'exploration de son univers, ce rock progressif du nouveau millénaire, autrement dit une musique qui s'affranchit des formats préétablis en ne s'interdisant rien, excepté les vains étalages de prouesses instrumentales.Portées par la voix douloureusement vibrante de Garvey, les nouvelles chansons scrutent l'âme humaine bafouée, un peu à la manière des films de Mike Leigh, avec une minutie d'entomologiste et une rare compassion. Climat doux, poussées de fièvre, plaintes susurrées, explosion de choeurs, le rock généreux et délicatement épique d'Elbow propose le séduisant mariage de la modestie et de l'emphase. (HC)
Avec le plateau tournant qui constitue l’originalité de son émission, le présentateur britannique Jools Holland n’avait sans doute pas imaginé verser un jour dans la sociologie urbaine. Le 6 avril dernier, pourtant, en disposant en vis-à-vis deux formations antagonistes de Manchester, les sages rêveurs de Elbow et les branlotins arrogants de Beady Eye, la bonne bouille de panda de Guy Garvey face à Liam Gallagher et sa grande gueule, le programme ressembla plus que jamais à un ring. D’un côté l’éternel empilement d’attitudes fanfaronnes, panoplie endossée jusqu’à la caricature dans les virages Nord du rock anglais. De l’autre, des types normaux, qui jouent ensemble sans anicroche depuis maintenant vingt ans, hors des habituels sentiers de la gloire prolo et de son esprit de tribu et de tribune. Guy Garvey conserve un souvenir amusé de la confrontation : “Dans la chanson Lippy Kids, je parle de “simian stroll” (démarche simiesque), j’ai senti que Liam me fusillait du regard derrière ses lunettes, pourtant je ne pensais pas spécialement à lui en écrivant ça. Même s’il est devenu très riche, il persiste à entretenir cette culture des lads, je n’ai rien contre ça, simplement j’ai vocation à entretenir autre chose.” Sur le bouleversant Lippy Kids comme dans les dix autres chansons de Built a Rocket Boys!, le cinquième album d'Elbow, il est toutefois question de Manchester et de sa jeunesse, vue à travers le filtre sépias des souvenirs de Garvey. Mais avec ce désir de répondre plus largement à l’opprobre actuelle qui désigne, là-bas comme ici, le jeune comme un boulet inerte et coûteux. “Récemment les tabloïds se sont livrés à des attaques très violentes contre les bandes de gamins qui errent dans les villes et tuent le temps en fumant des clopes sous les porches ou les abris bus. J’ai repensé à ma propre jeunesse, à ces moments inoubliables où nous nous réunissions pour parler de tout et de rien. Je me souviens qu’un soir, ma mère qui m’avait aperçu en train de discuter avec mes potes, ne m'avait pas engueulé mais juste dit que j’étais en train de grandir. Je me sentais fier de ça.” Longue de six minutes intenses et propre à arracher des larmes, Lippy Kids parle de “ces jours dorés” et encourage ces “boys” d’hier et d’aujourd’hui à “construire une fusée”, autrement dit à rêver à l’impossible. La “fusée” que Guy Garvey a construit se nomme Elbow, un groupe de cinq individus qui a débuté en 1990 en jouant du funk (!) sous le nom de Soft et s’est stabilisé une dizaine d’année plus tard autour d’une formule fertile en beauté et en communion, à la fois puissante et ultrasensible. Longtemps snobé par la presse anglaise, voire brocardé pour ses références pas très cool – ils citent le prog-rock, les premiers Genesis en exemple, ce qui n’aide pas les choses –, Elbow a bien failli sombrer dans l’indifférence à la veille d’enregistrer The Seldom Seen Kid en 2008. Sans label, coupés du monde, ils façonnèrent alors un quatrième album “quitte ou double” qui a miraculeusement décroché la lune (double platine en Angleterre) et permis au groupe paria de rafler toutes les récompenses du royaume. Notamment grâce à l’hymnique One Day Like This et sa chorale œcuménique et au plus âprement rock Grounds For Divorce. Des chœurs d’angelots, désormais signature du groupe, on en trouve encore à tous les coins de rue de Built a Rocket Boys!, sans jamais tomber toutefois dans la surcharge ni l’artifice ampoulé. Elbow ne sera jamais U2, ni Radiohead, deux groupes auxquels ils ont pourtant emboîté le pas dans les échafaudages épiques, car ils n’affichent ni la suffisance nouveau riche des premiers ni les tendances masochistes et les complexes arty des seconds.  Plus proche de Talk Talk en moins autiste, Elbow prend ici le temps de tracer de longues fresques aux délicats reliefs et aux riches coloris mélodiques, approchant par endroits la grâce minérale d’un Robert Wyatt (High Ideals). Wyatt dont on croit d’ailleurs entendre la voix sur une seconde version burinée du titre d’ouverture, The Birds. En réalité, la chanson étant écrite d’un point de vue d’un vieil homme, Elbow a choisi de pousser devant le micro un amateur, accordeur de piano dans le civil, rajoutant encore un peu d’humanité à ce disque qui en débordait déjà. (inrocks)
A la sortie de leur premier (et meilleur ?) album en 2001, Elbow était présenté comme le chaînon manquant entre un Coldplay à la carrière mainstream naissante et un Radiohead en pleines expérimentations. Plus fréquentable que les premiers, moins cérébral que les seconds, lisait-on alors ici et là. Si la bande emmenée par Guy Garvey a trouvé une place sur la scène post-britpop du début des années 2000, elle n'a pourtant jamais connu la glorieuse carrière de ces deux groupes.
Alors, est-ce parce que les garçons d'Elbow sont sympathiques, qu'ils viennent du mythique Manchester dont ils assument l'héritage industriel (surprenant morceau sur la solitude d'un conducteur de grue dans "The Seldom Seen Kid") et qu'ils vendent peu de disques de ce côté-ci de la Manche qu'on les préférera à Radiohead ou Coldplay ?Eh bien, pas forcément. Certes, Elbow a du talent. Certes, sur chaque album du groupe, il y a de très belles chansons, mais la bande de Guy Garvey n'a ni l'évidence mélodique un brin naïve mais toujours séduisante de l'équipe de Chris Martin, ni l'inventivité sans cesse renouvelée du légendaire groupe d'Oxford (exception faite du peu inspiré "Roi des Limbes" qui n'est, beaucoup l'auront compris, que le deuxième album solo non assumé de Mr Thomas Edward Yorke). Revenons-en à nos moutons... Le cinquième album d'Elbow commence avec une chanson d'une laideur peu commune. Le méfait s'intitule "The Birds" et, comme pour enfoncer le clou, refait son apparition en fin de disque dans une version dépouillée chantée par une voix fatiguée qui n'est pas sans rappeler celle d'un certain Robert Wyatt (après vérification, ouf, le grand Rob n'a pas pris part à l'affaire). Elbow est un groupe bizarre, capable du meilleur comme du pire sur chaque album. C'est aussi peut-être ce qui fait son charme. De bonnes chansons, il y en a quelques-unes sur "Build a Rocket Boys!" - quatre pour être précis. Le très beau "Lippy Kids" au refrain passionné qui renvoie au meilleur Talk Talk (référence absolue de Garvey), le travail impressionniste d'Hollis autour du silence en moins. Le curieux "Jesus Is a Rochdale Girl" au folk tortueux tout à fait inclassable. L'élégant et grandiloquent "Open Arms" au feu d'artifice mélodique final assez génial. Le mélancolique et apaisé "Dear Friends" aux choeurs en forte teneur émotionnelle. Plusieurs (très) grandes chansons, donc. Mais, au rayon des horreurs, impossible de ne pas mentionner, en sus du morceau d'ouverture, un "Neat Little Rows" aux relents progressifs totalement embourbés. Et des chansons comme ça, vraiment, ça peut faire changer d'avis sur un album qu'on avait pourtant plutôt envie d'aimer. (popnews)
Sur son cinquième LP, Elbow soupèse ses arguments et ses arrangements avec le savoir-faire de l’artisan amoureusement attentionné. Mais tout à son souci du détail, le groupe ne voit pas le danger qui jette une ombre déplorable sur ce morne Build A Rocket Boys! : l’ennui. Si la frontière pouvait autrefois être ténue entre allants épiques et tentation de l’emphase, au moins les disques du quintette avaient-ils du relief, tiraillés entre hymnes touffus et lentes dérives acoustiques. Elbow a aujourd’hui le psychédélisme monochrome, déclinant courageusement ses compositions dans des dégradés de gris que seuls des arrangements parfois stupéfiants sortent du brouillard. Le morceau de bravoure est cette fois placé d’entrée de jeu et ce sont les huit minutes sourdes de The Birds qui accueillent l’auditeur. Les percussions grelottent, la guitare grommèle dans son coin jusqu’à ce que tombe une fine pluie électronique qui tourne à l’inondation synthétique. Une chorale rend un brin sentencieux le recueillement de Lippy Kids et The River, mais donne son étrangeté à l’excellente With Love. Habituellement impérial dans le registre d’une pop psychédélique qui tabasse, Elbow échoue ici faute de refrain fédérateur (Neat Little Rows, faiblard). Au cœur de l’album se cachent deux chansons particulièrement remarquables : Jesus Is A Rochdale joue sur le minimalisme d’une guitare acoustique à peine effleurée et de bouts de claviers qui semblent jetés là au hasard ; posée sur des nappes synthétiques, la magnifique The Night Will Always Win renoue avec une veine plus lyrique, Guy Garvey déposant à nos pieds ces quelques mots évocateurs : “The night will always win/The night has darkness on its side”. (magic)

bisca
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le 27 févr. 2022

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