"Bâtard tu es, tu l'étais, tu le restes."

Californication est un album bâtard, à la croisée des genres, perdu entre deux millénaires, deux attitudes que tout semble opposer.

D'un côté, il y a la fusion, que les Red Hot Chili Peppers sont loin d'avoir abandonnée, cette fusion rap-rock bien crasse qui était jusque alors leur marque de fabrique. Bien présente dès l'intro de Around the World, on en retrouve la trace encore vivace dans la grande majorité des morceaux, dans un jeu de basse, un solo de guitare...

Et de l'autre, il y a cette volonté des Red Hot de se calmer, d'amener des chansons plus "pop-rock", perceptible notamment dans Scar Tissue, Road Trippin ou encore l'essentielle chanson-titre. Les intros guitare-voix (gentils arpèges de guitare et voix douce d'Anthony Kiedis) et des refrains avec chœurs marchent dans le pas de Under the Bridge, déjà présente 8 ans plus tôt sur Blood Sugar Sex Magik.

Mais entre ces deux tendances, les fringants californiens semblent avoir beaucoup de peine à choisir. En résultent des enchaînements surprenants comme la suite Otherside - Get on Top - Californication qui perturbent quelque peu l'écoute pour l'auditeur moyen. Mais finalement, le plus intéressant, c'est quand les tendances se rencontrent dans la même chanson, ainsi Around the World, Parallel Universe ou encore Savior sont sûrement les plus intéressantes et les plus originales de l'album car elles mêlent avec brio passages un peu bruitistes et refrains entraînants (méthode qui n'est pas sans rappeler celle de Nirvana, autre groupe qui réussissait à drainer les hordes d'adolescents). Cette variation est notamment perceptible dans le chant de Kiedis, qui passe sans problème d'un ton nasillard et provocateur à une voix de grande beauté.

Mais si cet album est bâtard, au moins n'est-il pas consanguin ! En effet les bonnes idées fourmillent, et les quatre musiciens, et notamment le guitariste génial John Frusciante qui vient de réintégrer le groupe sont vraiment au top pour fournir des morceaux d'anthologie : la première moitié de l'album notamment est considérablement fournie. Ce n'est finalement pas le style (plutôt rafraichissant passée la surprise) qui me retient de mettre plus de 7, mais la sensible baisse de régime de la deuxième moitié de l'album, qui amène son lot de morceaux poussifs, tant énervés (Get On Top, Right on Time) que plus calmes (Porcelain manque énormément d'originalité...). Peut-être les Red Hot auraient-ils dû raccourcir l'album pour mieux le travailler.

C'est bien dommage car cet album est vraiment riche et assez unique. Quoique puissent en dire ses détracteurs, les Red Hot n'ont pas encore perdu leur âme, l'album reste fortement imprégné de cette couleur si particulière, à l'image de cette étrange pochette que mon inconscient associe désormais à la Californie. Le groupe réussit avec Californication un album où on ne s'ennuie pas, tantôt énergique et tantôt intimiste, aux accords enchanteurs et aux mélodies envoûtantes. Un album aux accents de road trip, entre sueur, crasse du moteur, soleil et rencontres inattendues.