Deströyer 666 est à un moment charnière de sa carrière : déjà considérés comme des vieux briscards de la scène black thrash, estimés par certains comme le groupe pilier du genre aux côtés d'Aura Noir et Nifelheim, ils sont confrontés au renouvellement de la scène par des groupes plus jeunes et particulièrement excités (Skeletonwitch, Toxic Holocaust, Nocturnal, Black Fast, etc.). Les membres du combo australien sont vieillissants et bien que leur dernier LP "Wildfire" leur avait assuré un retour en grandes pompes sur le devant de la scène, il avait laissé quelques fans sur le bas-côté (dont j'avoue faire partie).
Ils font alors face au dilemme de tout groupe qui vieillit : rester dans leur zone de confort et réutiliser la recette qui les a fait connaître, au risque de lasser les amateurs ou essayer de revitaliser leur son en proposant des morceaux différents sans savoir si les fans suivront.
Avec l'EP "Call of the Wild", Deströyer 666 décide de couper la poire en deux et nous offre quatre pistes délicieusement old-school tout en essayant différentes choses dans le chant et le riffing. Plus direct, plus rentre-dedans, peut-être moins mélodique et grandiloquent que l'époustouflant "Phoenix Rising", mais pourtant plus accessible que l'abrasif et non moins intéressant "Cold Steel... for an Iron Age".
Le coquin de K.K. Warslut a acquis une place d'icône dans la scène extrême grâce à sa radicalité (pas toujours heureuse politiquement d'ailleurs) et sa sincérité. Si je regrettais le gros manque d'originalité et de prise de risques sur "Wildfire", je suis conquis par la générosité de ce "Call of the Wild", agréablement varié et efficace.
Le gros souci de "Wildfire" était pour moi sa production désagréablement lisse et je soupçonnais Season of Mist d'avoir sa responsabilité dans l'affaire pour rendre l'album plus accessible. Et pourtant, cet EP est irréprochable en matière de mastering. Tous les instruments ressortent admirablement et la voix est terriblement bien mise en avant. Il faut avouer que sans la production adéquate, le riff d'intro de "Violence Is Golden" aurait nettement moins de gueule.
Sur un EP aussi court que celui-ci, D666 décide de montrer une facette moins introspective, moins grinçante de sa musique. Le groupe troque ses éléments black au profit de lourdes influences speed. "Call of the Wild" privilégie donc un thrash/speed direct, sans longues intros ni build-ups torturés. Mais pourtant, je n'ai jamais ressenti une trahison de la part du D666. Ils restent fidèles à leurs propres codes, à leur univers, leur sensibilité et demeurent reconnaissables entre mille. C'est là tout le talent du groupe, parvenir à faire évoluer leur musique, la vêtir de différentes parures tout en restant intègre et talentueux.
Dès le début du premier morceau, « Violence is Golden », on comprend que KK n'a aucune intention de s'assagir et qu'il s'apprête à nous refaire la mâchoire en bonne et due forme. Un véritable riffing acéré et incisif, qui n’hésite jamais à céder à l’appel de la cavalcade, s’impose également sur le deuxième morceau « Stone by Stone ». Ensuite, le morceau éponyme, « Call of the Wild », s'autorise un passage en mid-tempo ravageur, complètement fédérateur et qui promet déjà de s'inscrire comme un classique des concerts à venir. Après plusieurs écoutes, il s’affirme comme le titre phare de l’album et si on se risque à le comparer aux trois autres, on ne peut que regretter qu’un tel moment de bravoure soit unique.
« Trialed by Fire » est le seul morceau non inédit de l'EP. Déjà présent sur « Terror Abraxas », il est ici proposé dans une version repensée et relookée. C’est sans doute, pour moi, le titre le plus dispensable de l’album. Non pas qu’il manque de brutalité ou qu’il soit mal composé, mais face aux pavés de haine précédents, il ne fait pas vraiment le poids. On remarque cependant, que cette version est dépourvue du feeling black du morceau original, confirmant ainsi le désir de changement dans le son du groupe.
Après près de 24 ans de blasphème et d’actes impies, le thrash de D666 continue à feuler et rugir, toujours avec justesse et efficacité. À l’image de l’ultime morceau, le black tend à disparaître, mais la hargne, la véhémence et la crasse ne s’effacent pas pour autant. KK Warslut reste indompté et hurle qu’il n'est pas près de se faire enterrer (avec plus de panache que notre Renaud national, je vous rassure).
Merci patron !