Quand même, j'avais bon goût...
J'étais étudiant. Je prenais un abonnement aux médiathèques de Paris et je pillais la discographie des musicos que je découvrais en prenant des CD au hasard. Avant d'avoir mon premier ordinateur portable, j'utilisais des cassettes audios. Aujourd'hui je ne les réécoute jamais, mais je les ai gardées.
Et donc, j'avais exploré la discographie de Santana. De son nadir à son apogée. Et ici c'est l'apogée. Je donne ces détails biographiques car maintenant j'ai du mal à ne pas me revoir dans ma sous-pente quand je réécoute ce disque.
"Caravanserai" me faisait l'effet d'un disque mélodieux, harmonieux, d'une grande sérénité. Là, je le réécoute après une grosse décennie, et je me rappelle encore de chaque morceau à la mesure près, mais je trouve au contraire au son un petit côté acide pas désagréable. Chaque morceau s'enchaîne parfaitement.
- "Waves within" est LE morceau auquel je pense quand je pense à ce disque. Cette lente montée qui s'appuie sur un orgue, ces incursions de guitare féline avec en fond des riffs qui cascadent, ces congas discrets. Tout se fond merveilleusement, mais il faut régler pour bien entendre la guitare solo de Santana, vers laquelle tous les éléments convergent.
- "Look up" commence plus funk, mais avec des climax où la guitare plane haut, jusqu'à ce que les percussions brisent le rythme pour revenir à la ligne funk. Un petit côté ballade.
- "Just in time to see the sun" laisse la part à l'orgue et à la basse, pour aboutir à une partie chantée douce qui surprend agréablement.
- Transition très agréable vers "Song of the wind", où la guitare joue beaucoup dans les aigus. Piste émouvante, où la guitare semble dérouler un poème d'action de grâce sur un bien-être retrouvé, avec des accents nostalgiques difficiles à analyser. Mais c'est très agréable, les mêmes motifs sont réutilisés sans cesse.
- "All the love of the universe" commence de manière assez psychédélique (on croirait une piste d'Hendrix), puis développe des motifs plus clairement arabo-andalous, en alternance avec une partie chantée plus peace and love. Bellle fusion de guitare andalouse, de castagnettes et de congas.
- "Future primitive" introduit une rupture dans cette verbe contemplative et propose des nappes sonores interrogatives. Moment introspectif prolongé par l'arrivée des congas.
- "Stone Flower" introduit de la contrebasse (ou qqch comme ça), sur laquelle la guitare de Santana plaque quelques riffs vainqueurs. Partie chantée douce, sur un rythme de bossa nova. Quelques interruptions grêles qui rappellent le rock progressif à la fin, étrange et agréable.
- "La fuente del ritmo" repart sur des rythmes plus sud-américains. Moins original, de jolis passages à l'orgue façon "Riders on the storm" à la fin.
- "Every step of the way" commence de manière plus dissonante (avec une cowbell entêtante et des nappes de son ^^). Beaucoup de passages d'impro, d'un instrument à l'autre (belle flûte traversière). Une tentative de résumer le parcours suivi, j'imagine. Une impro sans véritable fin, pas mémorable, mais c'est bien comme ça.
L'album entier donne l'impression d'un dépouillement, d'un retour vers la simplicité des éléments naturels. D'un voyage, aussi. Un vrai voyage, du genre de ceux où l'on fait de belles rencontres. Et puis ce mélange de douceur et de sensualité si propre à la musique de ces années-là, et qui manque bien aujourd'hui.
Quand même, j'avais bon goût à l'époque. Dire que maintenant j'écoute des OST de jeux vidéos...