C'est beau, c'est très pensé, mais...
Milieu des années 1970 dans la banlieue de Seattle. Un mal qui se transmet par les relations sexuelles gagne les jeunes, mais c'est un sujet tabou. Il fait naître des difformités diverses et répugnantes, plus ou moins handicapantes. Les gamins atteints se réfugient dans des cabanes de fortune dans la forêt, on fait comme s'ils n'existaient pas. A part ça, Neil Young cède la place à Bowie, les cheveux longs aux coupes années 80. La drogue corrompt la jeunesse.
Les images sont d'un noir et blanc très travaillé, qui privilégie les cadrages sur les visages ou les corps. Les visages sont représentés de manière assez schématiques, quoiqu'ils soient assez bien individualisés. On retrouve l'encrage si particulier de Burns, reconnaissable au premier coup d'oeil. Le découpage est très raffiné, avec un gauffrier où les cases de récit enchassé (rêve, discussion, réminiscence) sont signalés par des bords tremblotants assez "pulp". Le motif de l'ouverture (dans la chair, sexuelle, ou représentée par des rais de lumière) est récurrent, et beaucoup d'autres éléments narratifs sont introduits en douceur pour distiller le malaise, suggérer qu'un accident tragique peut arriver.
Il y a beaucoup d'éléments effrayants, comme chez Lynch ou Cronenberg : un des ado a une 2e bouche qui lui pousse sur la trachée et parle dans son sommeil (sa copine s'amuse à lui rouler un patin) ; une autre perd sa peau ; une autre, très féminine, a une mignonne petite queue de lézard qui lui pousse dans le dos.
Mais ces éléments d'horreur sont au fond un peu lassant à la longue, car ils ne font que ressasser une parabole sur l'adolescence qui personnellement ne me touche pas beaucoup. Oui, leurs corps changent. Oui, ils souffrent et se sentent chacun isolés, car tous se cherchent. Oui, le collège américain est dur, et son conformisme social condamne les plus inadaptés à vivre à la marge. Mais il n'y a rien dans tout cela qu'on n'ait déjà vu cent fois. Les conversations niaises de ces lycéens, leurs bad trips, leurs galères, rien de tout cela ne m'a passionné.
Je reste admiratif pour le travail formel, avec une vraie recherche sur le langage de la BD, mais je n'ai pas été plus que ça emballé par cet album.