Ride aura suivi un cheminement comparable à celui de Lush : ils ont couru après une reconnaissance critique en prenant le risque de se renier. Si cela n’a pas trop mal réussi au second, ce n’est pas le cas du premier. Les deux groupes ont pourtant adopté une démarche similaire, c’est-à-dire sortir un disque plus près de leurs influences. Un retour aux sources plutôt bien négocié pour Lush avec son indie britpop proche des Primitives. Ride lui va plus loin dans le passé en s’inspirant directement des Byrds. Ce qui est logique puisqu’ils utilisaient d'une manière semblable leur voix, en entremêlant leurs harmonies vocales aériennes. Hélas, ils ne se sont pas inspirés de la fameuse trilogie psychédélique de la troupe Californienne (qui s’étend de 1966 à 1968), mais plutôt de leurs premiers albums : les mollassons Mr. Tambourine Man et Turn! Turn! Turn!.
On met donc le doigt sur ce qui ne va pas du tout avec cette sortie symbolisant la fin du shoegaze. Effectuer une mue pour changer radicalement d’identité, pourquoi pas. Tant que la qualité suit, on n’y trouvera rien à y redire. Mais tous les gens censés savent que les premiers albums des Byrds ne sont pas loin d’être inécoutables tant leur mollesse ferait passer les Beach Boys pour du punk.
Passer de Going Blank Again à Carnival of Light ne peut que provoquer un grand choc. Le meilleur moyen de ne pas s’emporter dans une vindicte à coup de « trahison ! » ou autres « escrocs ! », c’est de prendre ce disque pour ce qu’il est : de la britpop un peu psychédélique et héritant de la douce langueur dream pop d’une première partie de carrière irréprochable.
Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaitre qu’il y a d’authentiques bonnes chansons ici. « Moonlight Medicine » est une bonne rampe de lancement pour ce skeud passéiste. Un morceau de bravoure accompagné de Jon Lord (lui-même) en soutien avec son orgue Hammond. « Crown of Creation » est une jolie chanson possédant un refrain mémorable et la reprise de The Creation (« How Does it Feel to Feel? »), n’est pas de la power pop honteuse car pas moins bonne que les débuts des Who. L’interminable « Birdman » possède aussi des efforts de songwriting. Il en va de même pour « I Don't Know Where It Comes From » et sa mignonne chorale d’enfants.
Alors qu’est-ce qui peut bien clocher sur ce Carnival of Light ?
Ce qui manque, c’est ce souffle épique qu’on ressentait dans la musique de Ride auparavant. Ce souffle, c’était leur section rythmique qui l’apportait et en particulier la batterie. Loz Colbert fait le job et ça, on ne peut pas lui reprocher. Mais il n’a plus cette présence d’esprit de dynamiser régulièrement cette pop aérienne et d’y imposer sa lourdeur. Brider leur batteur fut la plus terrible idée qu’ils aient eue. C’est comme se retirer sa propre colonne vertébrale, donc le résultat est sans appel : tout s’effondre. Les mélodies séduisantes et les quelques idées ne changent rien à l’affaire. Privée de la sueur de cet instrument et du mur de son imposant de la bande, leur musique n’atteint que péniblement le seuil de l’agréable, sans plus. Une tiédeur fortement gênante pour eux qui avaient su éviter ce défaut en plaquant avec brio des mélodies mélancoliques et lumineuses sur des instruments chauffés à blanc.
Qu’à cela ne tienne, Ride était parfaitement conscient de ce revirement contre nature. Mais les conflits d’égo avaient pris le pas sur la musique. Les deux têtes pensantes du quatuor étant en brouille depuis leur précédente tournée qui les avait épuisés. Des ondes négatives qui auront bouleversé leur musique quitte à lui faire perdre toute sa magie et sa spécificité.
Avec le recul, le groupe surnommera cet album « Carnival of Shite ». Voilà qui veut tout dire.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.