Il est très intéressant d’établir une comparaison entre la discographie du groupe de Courtney Love et de celui de son défunt mari, Kurt Cobain. Car si notre blonde grungy préférée a débuté de manière décalée sa carrière, elle reste similaire sur bien des points.
Pretty on the Inside était une œuvre sale, difficile et obéissant aux règles d’un underground élitiste tout comme Bleach. La différence entre les deux étant seulement qualitative. Le premier était anodin et valait uniquement pour son impact extra-musical. Le second était imparfait mais démontrait le talentueux songwriting de Cobain.
Puis, vint le grand succès avec Live Through This d’un côté et Nevermind de l’autre. Ne comparons pas leurs chiffres de ventes, cela n’aurait aucun sens. Ce qui est pertinent, c’est d’observer le bond commercial qu’accomplissent les deux tourtereaux par rapport à leur premier effort. Un bond qui est la conséquence d’un changement de style finement négocié. La musique est désormais plus accessible, plus lisse tout en gardant cette rage typique du grunge. Un compromis payant quand on entend le résultat en dépit de quelques défauts que partagent ces deux œuvres (un son un peu trop propre et quelques moments de remplissage).
Seulement, les points communs s’arrêtent ici. Puisque c’est bien avec leur troisième album respectif que les chemins des ex-amants se séparent.
In utero était une œuvre de rupture. Le rejet du star-system sous la forme d’un rock bruyant et écorché (parfois à l’excès). Un skeud à la démarche facile à romantiser sachant que Cobain fut cohérent jusqu’au bout en s’explosant la cervelle. Mais étant donné les problèmes de santé qu’il se trimballait, sa mort n’était pas forcément liée qu’à une histoire d’intégrité n’ayant, généralement, aucune incidence sur la qualité des compositions.
Celebrity Skin est une œuvre de libération. Les paroles ne sont plus agressives et revanchardes comme auparavant. Le genre est également différent. Les quelques restes de punk ont disparu pour laisser place à un rock alternatif aux accents power pop. Et le grunge dans tout ça ? Lui aussi, il est porté disparu. Ou alors, parlons plutôt de post-grunge puisque la musique est devenue suffisamment lisse pour passer sur la bande FM. L’orientation est logique car Hole a souvent cherché à coller à son époque, même lorsqu’ils n’étaient pas en avance. Donc qu’ils sortent ce disque en plein succès de Creed, Collective Soul et après celui de Weezer n’est pas surprenant.
Cependant, on ne peut pas non plus aisément évoquer de trahison commerciale. Courtney Love ayant toujours clamé son admiration pour Fleetwood Mac, alors qu’une de ses influences pop ressurgissent, un jour ou l’autre, dans sa musique est légitime. Et puis les white trash ont bien le droit à la belle vie, non ? Au soleil de Malibu et aux ballades sur la Walk of Fame (je n’invente rien, c’est sur la pochette du single du morceau titre). Surtout après avoir été au fond du trou comme c’était le cas sur le crado Pretty on the Inside. Love échappe donc au suicide et trouve la dolce vita contrairement à son ancien compagnon.
Malheureusement, l’album est incapable de confirmer le bienfait de ce virage sur la longueur. Si les trois premières chansons sont des hymnes à l’efficacité indéniable (notamment cette première piste, presque aussi géniale que « Violet »), le reste lambine. « Northern Star » est une ballade mollassonne dont même les cordes sont incapables d’humidifier nos paupières. « Malibu », un mauvais choix en tant que single car jamais imparable tel que peut l’être « Awful » ou « Hit So Hard ». Les autres exemples sont nombreux.
En fait, il aurait été préférable pour la bande d’assumer à fond son envie d’écrire du rock à écouter dans des contrées ensoleillées. Parce que c’est uniquement dans ses moments que le songwriting fait mouche. « Boys on the Radio », aussi superficielle soit-elle, est pourtant mémorable. Le constat pour « Heaven Tonight » est similaire, même si elles n’atteignent pas la qualité de « Playing Your Song ». Ce mélange entre hargne rock et mélodie outrageusement pop. Voilà la voie que Courtney Love aurait dû emprunter.
Sans être désagréable, Celebrity Skin s’avère être un coup dans l’eau. Une reconversion grand public ratée laissant un arrière-goût amer. Un rappel que Hole fut, au final, le groupe d’un seul disque : Live Through This. Ce qui est obligatoirement décevant pour la rockeuse la plus célèbre des années 1990.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.