Ça pue la mort (et la batterie Simmons)

Mylène Farmer. A l'évocation de ce nom, bien peu de gens savent y rester indifférents. D'un côté, ses fans hurlent à qui veut l'entendre (ou pas) qu'elle est la meilleure chanteuse de France, voire du monde, et qu'en plus elle a développé un univers personnel sombre et mystique, bien qu'un peu lumineux en même temps, ce dont témoigneraient ses beaux textes. De l'autre, des mécréants, des vilains, des hypokhâgnes, voient en Farmer une horrible vendeuse de soupe, qui chante des horreurs dans l'unique but de se remplir les pognes en jouant sur un registre pseudo-poétique mais en réalité à peine digne des « plus grands » (hum). Bref, Mylène Farmer, en voilà un sujet brûlant, si l'on puit dire.

Le débat a eu lieu d'être dès ses débuts, avec le fameux single "Maman a tort", sorti en 1984. Simple petit tube de son temps ou véritable bombe pop ? Aujourd'hui encore, il est peu évident de trancher, étant donné que les synthés cheap croisent des paroles faussement innocentes. S'ensuivent alors un 45 tours peu connu ("On est tous des imbéciles"), suivi par le premier grand succès de Mylène Farmer, j'ai nommé "Libertine". Son thème et ses paroles font sensation autant que scandale, sans compter le clip signé Laurent Boutonnat, compositeur devenu le compagnon de travail (quasi-)éternel de Farmer.

Finalement, c'est 1986 qui verra la sortie du premier album de la chanteuse rousse, intitulé Cendres de Lune. Autant le dire de suite, il s'agit d'un premier album extraordinairement bon, du moins dans sa catégorie. On voit rarement des artistes réussir leur premier jet de manière nette et sans bavure, chose que Farmer et Boutonnat ont accompli sans problèmes. La présence des singles Libertine (par ailleurs placé en début de disque) et "Maman a Tort" (ouvrant quant à lui la face B – c'est stratégique) assure bien sûr un minimum de qualité, mais le reste n'est pas plus mauvais, oh que non. Le troisième single, "Plus Grandir" n'a pas eu le même succès que les deux précédentes chansons, alors même que son refrain entrainant et triste emporte très rapidement l'adhésion des personnes sensibles à la pop. Dans le reste, je retiens tout particulièrement l'effroyable comptine "Chloé", ainsi que le terrible (au sens français du terme) "We'll Never Die", dynamique à souhait bien que décousu au niveau des paroles.

Alors qu'est-ce qui ne va pas chez Cendres de Lune, qu'est-ce qui fait que cet album n'est pourtant pas à retenir en priorité chez Mylène Farmer ? Le son, tout simplement ! Cendres de Lune a mal vieilli, à cause d'une production d'époque vraiment peu soignée, la faute au caractère superficiel de la pop (élément toujours d'actualité) et l'usage par conséquent de synthés et de percussions électroniques qu'on peut raisonnablement qualifier de foireux. C'est à cause d'eux que "Au bout de la nuit" par exemple sonne trop cheapos pour paraître crédible. La batterie électronique fait également beaucoup de mal à "We'll Never Die" qui n'a, à ma connaissance, jamais été jouée en concert.

Premier essai, premier coup de maitre ? Si l'on se limite à la pop commerciale, oui – et c'est d'autant plus étonnant au vu de certaines thématiques ("Plus Grandir", "Libertine"). En élargissant un peu, Cendres de Lune a plus de mal à convaincre, c'est un fait. Mais certaines excuses peuvent passer, même à moitié, comme la fraicheur de la jeunesse ou le son typique des eighties. Bref, un premier album vraiment sympa.