Malgré ce que la pochette dit , il est difficile de croire qu'un tel troubadour puisse chanter ses chansons dans un parc de Mannheim là où errent les femmes, au mi-temps de leurs vies, édentées et qui écouteraient ce fou chantant. Il n'y a pas que Peter qui doit retenir son souffle car tout le parc tremble sûrement quand il se demande pourquoi nous mourrons ici. Et sa marche solitaire dans les rues à la recherche d'un signe d'amour ne sont pas pour réjouir les groupies qui jurent qu'ils ont son bébé dans son ventre. La richesse du musicien se voit hanté par la pauvreté du groupe à la merci du Kosmos tour. Ce disque annonce ainsi ses couleurs et ce vertigo est bien réel. Peter joua German Overall en première partie de Genesis à Montréal en 74 et donna une dimension héroïque à la chanson devant un public rébarbatif et en effet quand le rideau tomba son fantôme hantait la salle.
Il faut bien saisir ici que Peter annonce ce que sera toute sa carrière , il a la piqûre mortelle du scorpion mais il sait se transformer en caméléon doux comme sur Slender Threads. Changeant de couleurs mais toujours brûlé par le venin intérieur de son scorpion. (son signe astral)
Cet album est un tremblement de terre et le scorpion se demande s'il passera à travers sa nuit sans périr sous les feux de ses amours passagers ou de sa chambre noire effrayante, sortie tout droit d'un roman de Poe. C'est d'ailleurs dans cette chambre que le caméléon navigue dans la paranoïa schizophrènique et que le couteau tourne dans sa main dans un rock and roll à la limite du soutenable qui fait passer tout groupe de metal pour des poupons à la garderie tapant du pied.
Jamais artiste n'a pénétré aussi hystériquement, aussi profondément les affres de sa cervelle s'auto-creusant ladite cervelle avec une précision chirurgicale. Il est photo mouvante, “l'instant playback ”, roule le par terre avant qu'il ne soit trop tard docteur ! Avant que ses neurones ne soit exposées au monochrome de la peur, de la haine et de la folie ! Tout un Rock and Roll. Gens sains d'esprit s'abstenir !
Seul un scorpion peut de son venin s'introduire en vous et délivrer le poison de la lucidité avec une telle force. Il est la flèche nue s'agrippant à la chaleur de sa douleur , le pacifiste étrange, et comme il le crie: c'est par le chagrin qu'il atteint la joie. Mais attention il pourrait voler ta vie, que tu as si joyeusement donné. !
Pris d'un vertige devant sa propre fin, seul devant son piano le caméléon passe par toutes les couleurs de sa mort pressentie et ce en pleine jeunesse. Il vous le promet il ne laissera aucun indice, aucune empreinte de ses souliers, il gardera son vernis jusqu'à la fin. Il a l'intention de partir libre.Rendu dans ses enfers nous traversons le Styx avec lui. Le scorpion et le caméléon s'unissent pour nous hypnotiser!
Plus d'urgence, plus de parties d'échecs en voyage, assis-toi voyageur et entre toi aussi dans les dernières minutes douloureuses de l'artiste. On est pris d'un vertige devant ce caméléon piqué par la lucidité du scorpion. La voix se déchaîne enfin en solo. Point n'est besoin du saxophone sanguinaire de Jaxon, toute sa douleur se suffit à elle même musicalement... L'arc-en-ciel final est entouré de poignards. Et alors que le piano se fait doux et que les lumières de la scène s'amenuisent dans un dernier cri le piano descend aux enfers et toutes les pages de sa vie sont cornées, les graines du doutes se plantent, les saules plient et enfoncé dans la solitude Peter se demande si son ami le restera jusqu'à la fin! une minute de plus et nous mourrions avec lui.
Pour l'ouverture du côté 2 le caméléon doux refait son entrée et sa complainte existentialiste est adoucie par la flute enchantée du Mozart Jaxon. Mais ne vous y trompez pas tout cela n'est qu'apparence et le désenchantement qui revient comme une vague se jette à nouveau sur la plage avec l'hymne à l'amitié le plus poignant jamais écrit: “Easy to slip away”. Un tsunami de paroles et de musique. On entend dans le sax l'écho lointain des amitiés perdues. Le temps est devenu de la litière à chats glissant de ses doigts et alors que tous les refuges s'envolent, nous devons faire face au temps qui n'est plus , ne pas renouer, c'est si facile de glisser loin de ce passé. Jamais complicité entre sax et Peter ne fut aussi poignante que sur ce morceau. On est dévasté par le caractère “Beethovenien” de la souffrance de Peter. Pris dans son rôle d'ermite, de voitures , de scènes, de bagages et de super-âme il ne sait plus comment s'en sortir. Il constate qu'en grandissant nous ne pouvons que grandir séparé en espérant un jour l'unification des âmes autrefois amies. Comme pour Refugees !
Bien sûr nous jouons des parités d'échecs et chaque coup est noté, notre liberté en est affectée. Nous nous installons dans la simple survie , nous accrochant à nos plaisirs construisant les murs de notre prison pierre par pierre, jour après jour. Nos doigts perdent leur poigne et la flamme nous quitte. Oui l'ennemi est pour chacun de nous à l'intérieur de nous et l'attrait de la sécurité nous envahit de ses doigts glaciaux et broie la fleur de la liberté. Il n'y a qu'une seule flamme qui peut nous garder vivant et nous la tuons. La vie devient de plus en plus solitaire et de moins en moins réel. Par ce constat personnel Peter rejoint la condition humaine dans ce qu'elle a de plus naturelle. Et le vertige nous prend. Comment un jeune pouvait-il en savoir autant ?
Mais tout, cela n'est que pensées sur la pensée et la chambre schyzophrénique avec ses acides, sont que des leurres qui achèveront d'ouvrir toutes les portes de sa chambre. La peinture lève dans son cerveau, la folie s'empare du musicien, seul VDGG au complet pouvait rendre compte d'un tel désespoir. Jusqu'au cri, jusqu'à l'Injection mortelle, jusqu'au retour à l'enfance. Le scorpion s'auto-détruit ne laissant au caméléon que les couleurs inconnues de la musique humaine que nul n'a jamais entendues.