Comment, ce classique incontournable des 60's n'a été chroniqué qu'une seule fois sur senscritique ? Mais quel scandale ! Il y a pourtant tant de choses à raconter sur cet album...


Avant toute chose, re-contextualisons un peu "Cheap Thrills" : deuxième album du groupe Big Brother And The Holding Company (avec, comme toute personne lisant cette critique le sait je suppose, l'immense et inimitable Janis Joplin comme chanteuse), l'opus a été enregistré pour sonner comme un album live. Le groupe avait même voulu à la base utiliser des sessions enregistrées de leurs concerts, mais le résultat ne les avait pas convaincus. Seule la dernière piste, Ball And Chain, est tirée d'un concert. Vous allez me dire "mais enfin, on entend bien un public sur plusieurs titres ! Tiens regarde le premier, on entend les cris de la foule au début !" Et bien...Ce sont simplement les cris d'une bande de hippies venus participer à l'enregistrement de l'album...
Mais pourquoi vouloir à tout prix faire autant sonner l'album comme un concert enregistré ? C'est parce que Big Bro (pour faire simple, le nom est trop long) était très réputé pour ses prestations live qui électrisaient la foule. Chaque membre était considéré comme une bête de scène (Joplin en tête), et l'ensemble était tout bonnement impressionnant (il suffit de voir les vidéos de leurs concerts, exemples ici et ). Les musiciens ont donc voulu recréer les conditions du live pour conserver leur énergie qui faisait leur succès.
Janis Joplin, qui faisaient beaucoup parler d'elle pour ses consommations excessives d'héroïne et d'alcool, se montrait sous un jour bien plus positif durant les séances d'enregistrements, se servant de l'enthousiasme général comme moteur pour tenter de sortir de la drogue (sans succès, comme la courte suite de sa vie le montrera). Cette volonté et cette implication dans la production de l'opus donnent une fougue et une puissance aux morceaux sans pareil, et plus important encore, les émotions de la chanteuse sont si transparentes à l'écoute de l'album qu'aucune personne ne peut rester de marbre en l'écoutant. Sa large tessiture vocale aurait permis à elle seule de créer un disque hétérogène (la puissance rock de Piece Of My Heart, les gémissements granuleux de Summertime, l'émotion pure et blues de Ball And Chain...).
Mais la variété et la richesse de l'album ne sont pas que dû à Pearl : les autres musiciens se jettent eux aussi corps et âmes dans des solos endiablés et saturés, créant une ambiance à la fois lourde et planante, blues et psychédélique.


Nombreux sont les albums de cette époque à avoir une énergie aussi forte que celle de Cheap Thrills, mais pourtant une grande partie d'entre eux ont perdu en intérêt...trop datés, ou au final assez consensuels. Alors pourquoi Big Bro continue-il après plus de 50 ans de marquer l'esprit de ceux qui l'écoute, que ce soit la première ou la centième fois ? Le mythe Janis Joplin y joue beaucoup, mais n'oublions pas que ce n'est pas une chanteuse accompagnée de musiciens qui s'exprime ici, mais bien un groupe.
Et bien, cet album fait indéniablement parti des précurseurs du hard rock, puis de ce qui deviendra le heavy metal. Je suis persuadé d'en avoir fait grincé quelques-uns avec cette affirmation. Et pourtant, impossible de ne pas penser à Combinaison Of The Two en écoutant Black Sabbath. Impossible de ne pas penser à Ball And Chain en écoutant certains titres de Led Zeppelin... D'ailleurs, Ball And Chain est typiquement le genre de titre qui pourrait être repris aujourd'hui par un de ces milliers de groupes de revival psyché/blues/stoner/evil/hard, qui va de Blues Pills et Graveyard à Uncle Acid, Kadavar ou Green Lung. Même Rival Sons, qui sont pourtant bien plus mainstream, pourraient sortir sur leur prochain album un Ball And Chain, ou un Oh Sweat Mary. L'héritage de cet album est impressionnant.


Alors, oublions les fades Steppenwolf ou autres Iron Butterfly (je rigole, je les aime aussi, n'engagez pas de tueur à gages pour me retrouver) et accordons tous une minute (au moins) de silence à la regrettée Janis Joplin en hommage à celle qui, 50 ans après sa mort, continue de faire rêver et d'inspirer de jeunes musiciens en quête de succès.


Edit : j'ai oublié de parler de la superbe pochette qui est réalisée par Robert Crumb, un dessinateur de bd qui rejoignait les mouvements et idéaux libertaires qui faisaient beaucoup parler d'eux à l'époque.

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le 3 juil. 2020

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