Fin d'un mythe
Après Homegrown (1975) et Toast (2001), et avant Island in the Sun (1982), c'est donc au tour du fameux Chrome Dreams (1977) de sortir enfin officiellement.On connaît tout ce qui est dessus depuis...
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le 27 août 2023
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Si il y a bien un album légendaire de Neil c'est bien celui-là. Désiré, piraté, mythifié Chrome Dreams aura hanté les 70's par son absence ! Pour tous les fans de Neil qui ont vécu les 70's, Chrome Dreams restait un mystère si vous n'aviez pas un pirate. J'ai toujours refusé d'acheter le pirate , même si ma collection de pirates de Neil est imposante, j'ai dit non pour des raisons diverses. Mais nous y voici enfin 50 ans plus tard ! Enregistré entre 74 et 77, il contient des chansons qui seront dispersées plus tard sur différents albums et parfois en différentes versions. Mais putain cet enchaînement ne sera jamais égalé ! Et voilà où le fantasme rejoint enfin la réalité!
Ici l'album se tient de façon magistrale, c'est L'ENCHAÎNEMENT PARFAIT et si Neil l'avait sorti en 77 comme prévu il aurait marqué à jamais les 70's et se serait inscrit en lettres chromées dans sa légende.
Pour ouvrir le mythique Pocahontas qui apparaîtra sur le non moins mythique Rust Never Sleeps. Même version, mais le fait qu'elle ouvre l'album en douceur donne une nouvelle force au morceau, le rend plus savoureux. Dans la guitare , le rythme des avirons qui fendent l'eau, dans la voix les aurores boréales mêlées au feu des massacres dans les tipis...C'est la complainte ultime pour une civilisation détruite...
Enchaîne le frissonnant, l'incroyable, l'éblouissant: Will To Love. En partant je dois dire que ce morceau est dans mon top 10 de toute la carrière de Neil. Enregistré auprès d'un feu , avec sa seule guitare, Neil plonge ici dans les recoins secrets de son âme et à mesure qu'on entend le bois craqué dans le feu, l'âme s'ouvre aussi. D'une simplicité remarquable et d'une douleur phénoménale Young révèle le coma éthéré qui le scarifie dans une douceur sanguinaire. Putain ce texte qui ouvre les veines! Écoutez, traduisez, pleurez.... Mais le génie de Neil va au-delà, il prend l'enregistrement et l'amène en studio pour y inclure des instruments, cela aurait pu tout tuer mais non au contraire le morceau est propulsé dans le firmament . Comme un saumon remontant la rivière, essayant d'attraper un amour qui serait idéal s'il n'était jamais là, Neil nous dit qu'il est un feu dans la nuit mais que parfois il brille trop fort mais jamais il ne perdra la volonté d'aimer...même perdu dans la neige et il continuera à nager jusqu'au moment où il commencera à ....ne jamais perdre la volonté d'aimer. Et le xylophone scintille avec des drums super discrets , l'orgue déferle de minuscules cascades...tout s'évapore vite , avec délicatesse oui il voit bien ce qui n'est pas là comme il le murmure...une mise en abime sublime entre texte et musique, où il ne sera jamais pareil et il se souvient de l'océan dont il est issu...dans ce délire de douleurs juxtaposées, cette rêverie mescalineuse où parfois en sourdine la guitare électrique devient phosphorescente malgré l'économie des notes, on voit le soleil surgir , en dessous sous le ciel est révélée toute l'eau qui l'habite...
L'enchaînement sur American stars'n bars se faisait avec Like a hurricane après tant de douleur il fallait que ça éclate. Le mix était déchirant et on avait pas le temps de reprendre son souffle dans cette fusion géniale. Ici le choix est différent Star Of Bethleem nous donne le temps de se calmer, de panser notre coeur laissé ouvert par Will to Love. C'est la même version et elle sert de tampon pour le mythique Like A Hurricane qui enchaîne maintenant . On a eu le temps de reprendre son souffle pour l'un des morceaux les plus mythiques de toute la carrière de Neil, ce solo de guitare qui apparaît sur la version officielle ne sera jamais égalé dans aucune autre version. Quand j'ai vu la tournée Live Rust en 78 à Toronto , (voir le film) c'était phénoménal mais le solo ne fut pas dépassé. Il est vrai que la présence live de Neil face aux ventilateurs géants donnait un souffle galactique au morceau...Et comme tout le monde sait que Neil est comme Peter Hammill : Ils se réinventent à tous les soirs, cela donne tout de même des souvenirs fabuleux. Mais Tabarnak que cette version est orgasmique ! Qu'est-ce qu'on s'est défoncé dans les 70's sur ce morceau ...à devenir fou, à être emporté à jamais dans les notes stellaires....Il y avait eu sur Zuma Cortez the Killer, il y avait eu Alabama et Words dans les longs morceaux épiques de Neil mais Like a Hurricane trône au firmament par son intensité, son désespoir amoureux traduit par l'ouragan de sa guitare en feu .... Juste au-delà de tout., emporté si loin..... ce qui mène évidemment à Too Far Gone...voit ici apparaître une superbe mandoline aux allures de feux de Bengale, jouée par Sampedro et cette version s'impose totalement grâce à lui.
Hold Back the Tears devient ici acoustique et son dépouillement la rend meilleure que sur American's Stars'n Bars. On accède au morceau plus intensément avec cette version squelettique. Si Homegrown est le morceau le plus faible de l'album , il reste tout un pied de nez à l'industrie des pushers et avec humour traite de son sujet : Plante cette cloche et laisse la sonner (Homegrown étant le pot qu'on fait pousser chez soi)
Le magnifique Capitain Kennedy suit , apparu sur Hawks and Doves c'est un morceau délicat, précis à la guitare acoustique, qui rappelle un peu Campaigner (paru sur Décade).Une perle.
Stringman voit ici sa meilleure version surgir avec juste un piano et quelques notes au loin mystérieuses d'une guitare perdue. Le piano rend beaucoup plus justice à la musique que l'orgue qui deviendra l'instrument de prédilection de Neil pour ce morceau. La voix peut se nuancer n'étant pas ensevelie par la puissance de l'orgue. Enregistrée live le morceau donne sa pleine mesure aussi devant public.
Sedan Delivery est ici plus lent que sur Rust Never Sleeps et le titre en bénéficie dans ce contexte et rend la version moins freakante. Certains préfèreront la version punk parue en premier, pas moi. Oh et puis les backing vocals sont très Zappaïens!
Powderfinger est plus douce, plus tremblante dès son ouverture. Voici la première version jamais enregistrée par Neil, titre mythique dans sa carrière, reprise, adulée,poignante. Un trésor révélé.
Enfin pour clore l' album perdu et retrouvé , une autre chanson légendaire ,qui me donne la chair de poule depuis sa première parution sur Comes a Time en 78. : C'est Look Out For My Love ici gardée intacte. Ce morceau est un morceau d'orfèvrerie au niveau des “vocals” et de la steel guitare et puis cette fin à la guitare acoustique, en quelques notes solitaires Neil nous déchire l'âme. Alors que s'estompe la guitare électrique, il reste dans l'air la grande blessure de l'amour à venir...Fais attention à mon amour...
Cet album est en effet à pénétrer lentement, je lui fais l'amour comme à un amour perdu, jamais révélé, jamais vécu....
Créée
le 21 janv. 2024
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