Fin d'un mythe

Après Homegrown (1975) et Toast (2001), et avant Island in the Sun (1982), c'est donc au tour du fameux Chrome Dreams (1977) de sortir enfin officiellement.

On connaît tout ce qui est dessus depuis longtemps assez précisément. Seuls quelques titres ne sont pas parus depuis dans ces versions-là. Autrement, grâce aux albums sortis depuis 1977 et aux Archives on a désormais quasiment tout le matériel nécessaire pour reconstituer l'album. Seules "Sedan Delivery" (première chanson enregistrée lors des sessions de Zuma) et "Hold Back the Tears", une ballade country assez pénible de février 1977, n'étaient pas encore disponibles en l'état. Maintenant, on a tout sous la main et on peut donc se rendre compte de ce qu'est ce fameux Chrome Dreams, qui occupe une place privilégiée dans l'esprit du public de Neil Young.

Il faut dire que l'album paru "à sa place" en 1977 (American Stars 'N Bars) n'était pas des plus satisfaisants et pouvait frustrer ; à moins d'être accro à la country hardcore - qui se faisait une belle place sur la face A ("Hold Back the Tears" dans cette seconde version était encore plus laide). Seuls les titres de la face B étaient rescapés de Chrome Dreams. Mais en dehors du puissant "Like a Hurricane", il ne s'agissait pas des chansons les plus passionnantes (il faut du temps pour apprécier "Will to Love", long morceau acoustique au rythme très lent, "Star of Bethlehem" - déjà rescapée de Homegrown - remplissage sympathique, mais remplissage tout de même et un remake de "Homegrown" un peu bruitiste et ennuyant). Le public a donc commencé à fantasmer sur ce qu'aurait dû être l'album s'il était resté à l'état de test-pressing ; à savoir Chrome Dreams. Notamment parce qu'il contenait des perles comme "Stringman", "Too Far Gone", "Captain Kennedy" et des classiques comme "Like a Hurricane", "Pocahontas" et "Powderfinger".

Néanmoins, même si j'aime beaucoup les versions acoustiques de ces deux dernières, je préfère les versions originales (électriques + Crazy Horse) enregistrées pour Zuma en 1975. Telles quelles, elles fonctionnent mieux dans le cadre de Hitchhiker.

Il y a donc à boire et à manger sur Chrome Dreams, et malheureusement la façon dont est organisé le track listing n'aide pas. Après "Pocahontas" (Hitchhiker) qui fait l'ouverture, l'entame est plutôt mollassonne avec "Will to Love" et "Star of Bethlehem" dans la foulée. L'écoute aurait été plus dynamique à mon sens si "Like a Hurricane" et "Will to Love" avaient été interverties (sensation d'entrer dans le "vif du sujet" plus rapidement). "Will to Love" aurait également pu faire un bon morceau de conclusion, contrairement à "Look out for my Love" qui peut donner du corps à la partie centrale d'une face.

Encore une fois, il ne suffit pas d'avoir des bonnes chansons pour faire un bon album. Il faut les mettre en valeur pour que l'ensemble ait une cohésion et s'articule harmonieusement. Avec Chrome Dreams, on a trop souvent l'impression que les titres ont été compilés au hasard et à la va vite les uns derrière les autres (le cas de beaucoup de test-pressings). Ce qui, finalement, gâche un peu le matériau.

Donc : bon disque, mais décevant.