Depuis sa sortie en 1993, Chronologie reste obstinément mon album préféré de Jean-Michel Jarre. Celui que j'ai le plus écouté, que j'écoute toujours encore beaucoup, auquel je reviens avec le même bonheur et un enthousiasme étrangement intact, alors même que j'en connais chaque note par cœur.


De tous ses disques, c'est celui - avec Oxygène - dont le concept est le plus assumé, le plus limpide, dans la construction, dans l'élaboration des morceaux, dans l'utilisation des effets sonores. Le temps, bien sûr, est au centre du projet, et les évocations sonores du sujet se multiplient : battements de cœur en ouverture et fermeture (bouclant la boucle du temps de l'album), tics-tacs divers, horloges, cloches, chronomètres... et, bien sûr, la fameuse séquence composée pour la marque Swatch, qui rythme le single "Chronologie IV".


Dans cet habillage qui enveloppe l'album d'une trame bien serrée et cohérente, Jarre développe un ensemble de mélodies plus marquantes les unes que les autres, enchaînant les titres phares avec une régularité qu'il n'avait plus exprimée depuis Équinoxe. La symphonie électronique enthousiasmante qui ouvre "Chronologie I", puis la superbe deuxième partie du morceau en glissando de basse ; la furie géniale de "Chronologie II", avec ses accords martelés à l'orgue, sa ligne percussive énervée, ses séquences frénétiques et son solo final qui s'envole à toute allure ; le lyrisme profond de "Chronologie III", auquel répond la guitare électrique virtuose de Patrick Rondat ; l'évidence absolue du thème de "Chronologie IV", construit comme un tube jarrien typique, c'est-à-dire comme une chanson pop - couplets, refrains, final avec solo - : la première moitié de l'album ne laisse pas une seconde de répit et éblouit de bout en bout.


La seconde moitié n'est pas en reste, même si les ruptures sont plus nombreuses, et ce dès "Chronologie V" qui s'ouvre par une reprise très lente du refrain de la partie IV, avant de se déployer dans une sorte de hip-hop syncopé du plus bel effet.
C'est dans cette seconde moitié que se trouve le morceau le plus faible du disque, une partie 7 bien à plat, traversée de bourdonnements de mouches et d'une ligne mélodique qui se répète de loin en loin : pas grand intérêt en soi, mais le titre, très bref par ailleurs, sert plutôt de temps de repos et de transition entre "Chronologie VI" - autre tube jarrien, avec ses séquences entrecroisées et son joli solo mélancolique à l'accordéon - et "Chronologie VIII", final un rien pompier et néanmoins festif, très efficace en concert.


Que dire d'autre ? D'aucuns trouveront peut-être que le disque a vieilli, que ce soit du point de la production sonore (Jarre lui-même la critique souvent, même si ses remarques de spécialiste me dépassent un peu), de sa construction un peu stéréotypée ou du manque de risque pris par le compositeur dans l'écriture.
Mais c'est sûrement pour toutes ces raisons que j'aime d'amour Chronologie, en indécrottable nostalgique d'une époque dorée qui ne pouvait pas durer. La tournée qui a prolongé la sortie de l'album, la première de JMJ en mode pop-star, annonçait déjà le basculement de l'artiste dans une dimension people, plus ordinaire, qui allait lui faire perdre son mojo et la magie de ses projets hors normes.
Il faut bien vieillir, et se tromper, pour mieux rebondir...

ElliottSyndrome
10
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le 21 févr. 2020

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ElliottSyndrome

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