Cette critique est une confession. La confession d'un esprit troublé par la force qui s'est emparée de lui ces derniers mois, jusqu'à ne plus pouvoir le lâcher. Et quelle force : une addiction irrésistible, maladive, masochiste même, l'addiction à In Flames.
Il faut comprendre que le monde du metal s'est longtemps divisé en 2 catégories pour moi : le metal au chant clair, classique, celui que je pouvais écouter (avec grand plaisir d'ailleurs) ; et celui au chant hurlé, amalgame imprécis de growl et de scream, de black et de death, concerto de cris de cochons proprement inaudible. J'avais écouté il y a quelques années quelques chansons d'In Flames et les avais immédiatement rangées dans le même coin du cerveau où je range cette ampoule de la salle de bains qu'il faudrait changer depuis un an et le souvenir de la fois où je m'étais pissé dessus quand j'avais 9 ans. Loin.
Seulement, à force de creuser ce qui se fait dans la première catégorie, on revient fatalement et régulièrement dans la deuxième, par inadvertance parfois, puis par intérêt. Même si jamais on ne se laisse complètement amadouer, conquérir par ces harmonies hostiles.
Et c'est ainsi que j'ai réabordé In Flames il y a quelques mois, et apprécié avec une attention nouvelle ce que le groupe suédois propose. Des riffs rapides, complexes mais ultra prenants, des arpèges et solos envoûtants, des mélodies d'une qualité rare dans le milieu, et surtout des refrains ultra-catchy, le tout structuré de façon intéressante pour des morceaux plus énergiques les uns que les autres. Idéal, non ? Seulement, il y a la voix.
La voix d'Anders Friden rebute au plus haut point. Quand il growle (chant grave, prévalent sur les premiers albums typés death metal), c'est un torrent monochrome venant recouvrir chaque morceau de sa boue dégueulasse. Quand le chant est plus clair, comme cela se généralise sur la décennie 2000, la voix toujours un peu éraillée paraît forcée, excessivement chargée en émotion. Quand Friden alterne ou adopte un chant intermédiaire, on croirait entendre un ado en train de muer et de déverser sur le monde tout son désespoir et sa misanthropie.
Ceci étant dit, comment alors expliquer ce masochisme certain qui m'a poussé à écouter la chanson Only For the Weak en boucle pendant trois longs mois ? Cette alchimie quasi-parfaite entre un riff explosif, des pré-refrains entraînants, un refrain libérateur, une guitare lead enchanteresse trouvant son apothéose dans un solo magistral et des paroles aux multiples interprétations, aura su me rendre accro. Je ne pouvais dès lors pas me priver, chaque soir, de revenir à cette chanson, encore et encore, dans un certain masochisme compulsif.
Et me voici obligé de revoir ma copie et de sortir de mon système binaire.
Car la voix de Friden est superbe dans sa puissance écrasante, bluffante de par le flot d'émotion brute qu'elle vient charrier droit jusqu'au cœur, étonnante tant elle couvre des registres variés et vient saturer chaque étage du son, charmante même car amenant l'empathie et surtout incroyablement maîtrisée.
Vient alors le moment de la réécoute de tous les autres titres, à l'issue de laquelle la conclusion, que je développe toujours un peu à contrecœur, est implacable. In Flames est une formidable machine à riffs et mélodies tous plus addictifs les uns que les autres, portant une musique d'une énergie rare. Et de tous les albums, Clayman me semble le plus riche en la matière, entre Bullet Ride, Pinball Map, Clayman, Satellites & Astronauts et bien sûr Only For the Weak, la recette est parfaitement maîtrisée, à l'équilibre entre ce qui s'est fait avant, entre violence et contemplation, et ce qui s'est fait après, plus efficace et abordable. Le pilier incontournable du death metal mélodique.
Mais soyez prévenus : une fois rentré dans le cercle vicieux, on n'en ressort pas.