Closer
7.9
Closer

Album de Joy Division (1980)

L'histoire est connue de tous: le 18 mai 1980, Ian Curtis, le chanteur épileptique de Joy Division, se suicide. A l'aube d'une tournée aux Etats-Unis et après seulement deux albums studios, Joy Division n'est déjà plus que du passé. Deux mois plus tard, en juillet 1980, sort Closer, album d'une rare beauté (enregistré en 12 jours) qui est leur second et ultime album. Celui-ci pourrait constituer l'équivalent musical de L'Enfer de Dante. Tout, ici, est vide ; la musique est un labyrinthe glacial sans issue, les titres saisissent l'auditeur à la gorge, le sol se dérobe. L'écoute de cet album est une expérience marquante, qu'il convient d'aborder avec les précautions adéquates.

L'album débute par "Atrocity Exhibition" - qui tire son nom d'un roman de J.G. Ballard - , longue plainte d'une violence inouïe. "Isolation" et son refrain scandé tel un mantra, claquent comme une sordide mise en garde : 'I'm doing the best I can /... I'm ashamed of the person I am'. Curtis est habité, les mots sont propulsés du plus profond de son âme par la force du désarroi. Tout ce qui suit n'est qu'une kyrielle de questionnements, de tourments, de pureté. Tout est déjà terminé dès que retentissent les premières notes de "Passover". Le combat est d'ores et déjà perdu, il n'y a plus rien à attendre. L'ambiance se fait incertaine, tout est plus nauséeux encore; les titres des chansons constituent les épitaphes parfaites pour un homme rongé par ses tourments. Disque déprimant, angoissé, dans lequel la détresse n'a de cesse d'être présente, Closer est capable de faire sombrer l'auditeur dans une hypnotique mélancolie, parfois même de le pousser vers d'amères réflexions.

La batterie est un parfait métronome, nous faisant songer à la fuite irrépressible du temps. La basse tresse des mélodies entêtantes amenant peu à peu l'auditeur vers l'aliénation. La guitare dessine des paysages musicaux désolés. Le tout est soutenu par la voix caverneuse de Ian Curtis qui semble déjà avoir quitté les lieux ; car ce n'est plus que l'écho de sa voix qui nous parvient, ses paroles continuant de nager dans l'air, comme sur "Heart & Soul".

Les deux dernières pistes, "The Eternal" et "Decades", parfois proches de l'insoutenable, semblent avoir été composées en vue d'une marche funèbre. L'album se termine par ces mots: 'Where have they been ?' et les Divisions De La Joie abandonnent l'auditeur, le laissant seul face au gouffre, seul avec lui-même, face à un mur de questions. Disque noir, angoissé, Closer est l'ultime frontière avant le vœu final d'abandonner la condition humaine, l'album d'une mouche prise au piège dans une toile où il est impossible de s'échapper.

En résumé, nous voilà en présence d'un véritable chef-d'œuvre, capable de poursuivre l'auditeur même lorsque celui ne l'écoute pas. Telle est la force de cet album...


(Xsilence, février 2008)
Alessandro
10
Écrit par

Créée

le 1 févr. 2012

Critique lue 2.5K fois

50 j'aime

8 commentaires

Alessandro

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

50
8

D'autres avis sur Closer

Closer
xeres
10

Tel un livre ouvert...

Ce disque n’est pas un disque comme les autres, non, il est de Manchester, il est noir comme son charbon, il est sinistre comme ses usines, sombre comme la fumée produite par les machines, on n’y...

le 1 mars 2016

18 j'aime

7

Closer
Axon
10

“La vie a une fin, le chagrin n'en a pas.” Baudelaire

Closer, dernier disque de Joy Division est certainement le disque le plus abouti du groupe mais aussi le moins facile d'accès. Le groupe qui avait déjà amené les influences punk à un niveau supérieur...

Par

le 3 août 2017

16 j'aime

3

Closer
EricDebarnot
10

L'inexprimable

Si le flirt avec la mort (et surtout la tension grisante qui lui est faussement associée) est un sujet fétiche, voire un cliché de l'expression rock'n'rollienne, il est rare que la Mort elle-même...

le 15 août 2014

10 j'aime

Du même critique

The Idiot
Alessandro
8

Critique de The Idiot par Alessandro

Cet album datant de 1977, année du "No Future", évoque le titre d'un roman de Dostoïevski. Berlin, 1977 donc: renaissance pour Iggy Pop. Depuis la rupture avec les Stooges, le "Godfather of Punk"...

le 31 janv. 2012

15 j'aime

2