Pure chef d’œuvre
Un album qui a noué avec mes origines brésiliennes, qui m’a aidé au quotidien. La voix angélique de Milton Nascimento associée à celle de Lo Borges est une réussite. Tout l’album est magnifique. Je...
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le 11 déc. 2021
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Véritable chef- d'oeuvre de la musique populaire brésilienne, très connu au pays, Clube da Esquina est un projet des musiciens Milton Nascimento et Lô Borges, deux jeunes amis qui, malgré l'oppression culturelle de la dictature militaire, découvrent ensemble les Beatles et la nouvelle vague, et se mettent à écrire des chansons, inspirés par les nouveaux modes d'expression artistique venus des démocraties occidentales.
Après un début de carrière marqué notamment par l'excellent mais assez confidentiel Milton (1970) ou par l'écriture de classiques comme Outubro ou Travessia (devenu standard, repris notamment par Bjork) , Milton Nascimento décide de rappeler son pote Lô Borges, avec qui il s'entoure d'un grand nombre de musiciens et paroliers pour réaliser ce disque très ambitieux.
Ambitieux, car Clube Da Esquina (littéralement, le "Club du Coin", l'album réunissant des artistes du même état, le Minas Gerais) mélange merveilleusement tradition brésilienne, bossa-nova et jazz avec la musique populaire anglo-saxonne des années 1960 et 70.
Si Clube Da Esquina mélange habilement les genres populaires de l'époque avec des sonorités locales (Cravo e Canela, San Vincente), il excelle aussi par la qualité de ses arrangements extrêmement riches.
Les arrangements de cordes sont l'oeuvre du grand Eumir Deodato, qui a notamment commis ceux du magnifique album Stone Flower d'Antônio Carlos Jobim, ou encore plus récemment ceux d'Homogenic de Bjork (encore elle). Il est également très populaire pour sa version jazz fusion d'Also Sprach Zarathustra, immense succès commercial, sorti en pleine hype 2001, L'Odyssée de l'Espace.
Ces arrangements, variés, toujours intelligents, permettent d'éviter toute monotonie malgré la relative longueur du disque (64 minutes, mais 21 morceaux). Un bon exemple de la grande qualité des arrangements est le magnifique Um Girassol Da Cor de Seu Cabelo, mélangeant guitare classique (violão), piano et orchestre à cordes, dans une construction éloignée du couplet/refrain, renvoyant encore une fois au rock progressif.
Malgré la barrière de la langue, l'album nous fait passer à travers une palette très large d'émotions, de la joie d'O Trem Azul à la nostalgie de Nada Sera Como Antes, en passant par la puissance dramatique de Dos Cruces.
Clube Da Esquina, de par son génie mélodique, la sophistication et la complexité de ses arrangements, la variété de ses influences, pourrait se rapprocher d'un Pet Sounds brésilien, homogène tout en étant écléctique, grandiloquant et passionnant. Il ne fait aucun doute que s'il était anglais, ou américain, il serait aujourd'hui considéré comme un classique indémodable de la musique populaire du XXe siècle.
Après ce succès, Milton Nascimento publie jusqu'à la fin des années 70 une série d'albums extraordinaires mais encore moins connus dans nos contrées : l'expérimental Milagre dos Peixes (1973), aux textes censurés par la dictature militaire, où les paroles cèdent leur place aux vocalises et aux cris de désespoir.
Vient ensuite le dyptique Minas (1975) et Geraes (1976), hommage à ses terres d'origine, avant que cet âge d'or s'achève par un deuxième volet de Clube da Esquina (1978), sur lequel on retrouve entre autres Chico Buarque, Elis Regina, Joyce et bien sûr Lô Borges, qui de son côté mène une carrière solo plus discrète avec comme seul fait d'armes notable son album éponyme, sorti également en 72 et qui est également un disque magnifique.
En bref, cet album est une porte d'entrée magnifique, idéale, dans le monde foisonnant et fou de la musique populaire brésilienne (MPB), ou musiques savantes et populaires ne font plus qu'une ; Milton Nascimento, Lo Borges, Beto Guedes, Edu Lobo, Joyce, Gal Costa, Chico Buarque, Arthur Verocai, Gilberto Gil, Nelson Angelo, Caetano Veloso, José Mauro, Elis Regina, Manduka, Erasmo Carlos, Carlos Walker, Marcos Valle, Jorge Ben, les Novos Baianos, Tim Maia, Ivan Lins... prenez un nom au hasard parmi tous ceux que vous ne connaissez pas dans cette liste et ayez le plaisir de découvrir la richesse incommensurable de ce patrimoine musical extraordinaire, dont ce Clube Da Esquina a été pour moi le révélateur, l'élément déclencheur d'une fascination qui ne fait que grandir.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Albums, Suffisament de galettes pour ouvrir une crêperie, Suffisament de chef-d'oeuvres pour vivre heureux sans rien d'autre (Top 100 Albums), Les meilleurs double-albums (ou plus) et Les plus belles pochettes d'albums
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le 2 déc. 2022
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le 11 déc. 2021
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J'ai beau eu chercher dans l'histoire de la musique brésilienne , que ce soit la dans la bossa nova et la MPB , aucun artiste n'a sorti en studio ( ne serais ce qu'un ) des double-albums .Pour le cas...
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le 11 avr. 2023
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Ce bel album brésilien des 70s charrie, à son écoute, tout un pan de la musique locale, avec un lot assez chargé de nostalgie (pour pas dire de "saudade"). Le tout se mariant avec sagesse à quelques...
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