Impossible de parler de Electric Wizard sans passer par Come My Fanatics... Cet album est d'utilité public, de par sa production, ses compos, son honnêteté et son appel à la désobéissance contre le système. Il remet à plat le Stoner et explose le Doom. Des groupes qui se revendiquent des 60's, qui chantent la liberté de l'être et le plaisir des champignons, on en a un paquet maintenant au point où on ne sait plus vraiment ce que l'on écoute. Mais si jamais on est perdu, il y a toujours ces vieux classique du Metal ultra-lourd & moderne tel que Come My Fanatics... qui sont là pour nous permettre de retrouver un équilibre "doom".
"Return Trip" vaut à lui seul un disque. L'épaisseur, la graisse, le fluide qui en ruisselle nous fait dire que le titre pourrait être une bande-son de fin du monde où chacun se noierait dans une drogue cosmique. Vous trouvez "Sweet Leaf" de Black Sabbath emmerdant ? Partez, ou "Return Trip" vous traînera dans sa fange jusqu'à ce que noyade s'en suive.
"Wizard In Black" vient par contre botter le fondement par un coup de guitare aussi tranchant que permit mais aussi fuzz au possible.Comment réussir cette alchimie ? Les décibels agressifs, les guitares sursaturées et les jeux hallucinés sont ultra-connue dans le Rock... et pourtant ce titre vient nous montrer encore plus. Apparemment c’est humain : l'Homme ne peut pas s'arrêter à ses conquête et a toujours soif de plus de merveilles, de découvertes... ou de fascinantes anomalies. Le morceau est plus conventionnel, avec son refrain et son riff en boucle, et peut être facilement placé en concert.
La marmite fuzz se ferme pour mieux se rouvrir sur "Doom Mantia", au chant psychédélique bien perché et avec une batterie à la production qui nous fait nous tasser un peu plus loin dans notre fauteuil défoncé. A moins que ce soit nous qui, défoncés, ayons l'impression de nous faire absorber par le fauteuil. Si vous fixez le mur en face de vous, pensez à cligner des yeux pour éviter un dessèchement oculaire.
Le son des guitares/basse est une marque de fabrique chez Electric Wizard, mais il faut rappeler la dimension donner au chant. C'est ce son qui transforme le chant puéril de Jus Osborn en un prêcheur de thèse cabalistique et mystérieuse ; prêcheur habité, possédé même. Le chanteur n'a vraiment pas une voix exceptionnel, et se n'en ait jamais caché (les lives parlent d'eux même). Mais comme pour un Kurt Cobain ou un Dave Mustaine, c'est pas vraiment la beauté inexistante du chant qui va nous marquer mais ce qui l'habite. L'intonation, la rage, l'émotion.
Le thème (l'obsession ?) de la spiritualité de Come My Fanatics... est inspiré d'hommes comme Aeister Crowley et Anton LaVey, et aurait pu être raté, bâclé voir caricaturé. Mais pas du tout. On comprend cette soif de d'autonomie face aux lois, cette affirmation de l'anti-conformisme, ce besoin de voyage surnaturel, cette recherche de l'anarchie (la « bonne » anarchie pour reprendre l'expression de notre ministre de l'économie). Une réflexion proposée par le groupe : la Société et ses fondations ne sont-elles pas là pour nous intoxiquer et nous empêcher de nous révéler, de crever la surface du système ? A l'évidence ça fait parti des délires du groupe. Pourtant on peut apprécier ces insanités, comme après un bon bouquin de SF où on en retire cette collusion avec l'auteur et ce même cynisme vis-à-vis de l'Homme et ce sentiment qu'on est "passé à l'étage au dessus" contrairement à nos semblable.
"Ivixor B / Phase Inducer" est une pépite de expérimental. Ce morceau, c'est comment relancer un album quand les auditeurs commencent à décrocher, comment leur permettre de respirer. Mieux, ces auditeurs ne se rendent même pas compte qu'on les a bernés et ne se rendront compte qu'à la fin du disque de la pirouette.
L'esprit vagabondant, Electric Wizard lâche subitement la main de l'auditoire pour le laisser perdu dans l'infini du cosmos. Noirceur froide tout autour. Sauf là-bas, une lumière, une obscure clarté qui tombe des étoiles qui vient nous s'extirper de ce trip. Fascinant. David Foster Wallace a écrit que la différence entre la fiction et la non-fiction d'un texte se trouvait dans l'approche de l'écrivain : si celui-ci veut une fiction, il va l'écrire à partir d'un (ou du) « silence » ; s'il veut un de la non-fiction il va l'écrire à partir du « bruit absolue, de l'énergie bouillonnante de chaque chose et de leur liberté totale ». Est-ce que "Phase Inducer" est le silence, le reste n'étant que bruit absolue ? Ou bien, dans le trip de EW, réciproquement l'inverse ?
Cette instrumental – probablement composé en grande partie par Tim Bagshaw – est mystique, en parfait accord avec l'album, sauf que la pression graisseuse des trois précédent morceaux se change ici en quelque chose de plus éthéré. L'appel féminin qui passe en boucle nous apporte un côté primitif, plus ritualiste, qui rapproche des explorations de Endura. Les amples coup de batterie de Mark Greening et la basse folle de Bagshaw offre une minute de transe. Peut-être que ceux qui ont aimés "Advaitic Songs" de Om apprécieront cette interlude.
Viens ensuite un rappel de "Wizard in Black" et se pose en précurseur de l'album suivant : Doperthrone. Le chant froid, des ritournelles limite sardonique, aidées par la guitare, font écho à "Iron Man" de Black Sabbath. Même sonorité immuable, même break sur la fin du morceau. Sauf que là où on peut attendre une innovation ou quelque chose qui démarque les deux groupes, EW pousse le plagiat jusqu'au bout. On peut ne pas aimer cette emprunt, de même qu'on peut se poser la question pourquoi le morceau n'est pas plus travaillé ou pourquoi le groupe n'a pas profité de ce passage en studio pour afficher plus son héritage Rock et d'oser plus de trucs que ce << modeste >> "Son of Nothing" ? Pourquoi donc ? Parce qu'on écoute de la vrai guitare, du bon fluide, du fuzz ! Parce que c'est Electric Wizard bien sur !
Finalement, c'est le très psychédélique "Solarian 13" qui vient dénouer l'album, avec des solos interminables noyés par le reste - sauf que c'est positif. Avec ce petit côté paresseux/posé, c'est le titre le plus faible. Il eût pu être une tare pour un autre groupe, sauf ici où s'est une très bonne façon de terminer l'album car il lui apporte un côté inépuisable et nous invite à aussitôt repartir sur "Return Trip".
L'utilisation d'un synthétiseur << spatial >> apporte un peu plus au son "Wizard", ce côté absorption du Vide et du Rien pour dévoiler se qu'ils contiennent réellement. Plus consensuel, le riff principal est terrifiant de puissance et de saturation, et son accompagnement par un soli sous acid est parfait. Pour être sur qu'on a bien compris ce qu'est Electric Wizard, ce titre vient souligner le cachet musical du groupe, sa sonorité, dans une synthèse hallucinatoire.
Est-ce que retrouver le même son 15 plus tard montre pour certains à quel point le groupe est limité ? Toujours les même pisse-froid qui considèrent les Rolling Stones comme une musique vétuste et qui ne sont satisfait qu'avec du post-Black progressif. En tout cas certains se sont joyeusement vautrés dans "Solarian 13"; Ufomammut et YOB en tête puis S:t Erik.
Qu'est-ce qui s'est passé entre "Electric Wizard" (Janvier 95) et Come My Fanatics... (Janvier 97) ? Le groupe avait les compos et la gniak, il leur manquait plus grand chose. Un tout petit rien : de l'assurance, de la maturité et une production solide (pour certains ça peut demander plusieurs décennies). Et puis le quatrième homme, Rolf Startin, qui est finalement celui qui a cerné le mieux le fond d'Electric Wizard pour lui donner la meilleur texture sonore.
Jos Osborn, Mark Greening et Tim Bagshaw continueront sur "Supercoven" et "Doperthone" (la trilogie Rolf Startin). Si le premier continu dans la lancé hallucinée de l'exploration sidéral des riffs graisseux, le second sera un tournant plus sombre musicalement et plus cynique encore (une sorte de << David Fincher Metal >>). "Doperthone" s'enfoncera aussi dans les visions fantasmatique des cités & planètes maudites de Lovecraft par "Funeralopolis" et le terrible "Weird Tales".
Dix_Elektrik
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le 14 nov. 2014

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