En 1986, le Thrash commence à devenir genré - tempo rapide, précision des riffs, double pédale - et pourtant Slayer va réussir à surenchérir dans l'extrême avec Reing in Blood. Si on soupçonnait du potentiel au groupe, ce disque vient le confirmer. Tout penche, dans ces 28 minutes et ces 21 solos de guitare, vers un long et unique morceau composé par un groupe, dont le génie serait d'avoir été précurseur en raffinant le Heavy Metal et le Punk et qui aboutirait au dernier genre, le seul genre, celui qui restera toujours, le Thrash Metal.
J'ai du mal à parler de ce Reing in Blood. J'imagine que chacun a son ressentit à son propos (il y a de supers critiques sur ce site). C'est plus rigolo de l'écouter en soirée et d'en parler en même temps. Je l'ai découvert il y plus de dix ans, et il m'a apprit plein de chose. Avant je lui aurais donné 9/10 tant il me fascinait. Maintenant je suis un peu plus objectif. J'y reviens de temps en temps, c'est un disque de chevet. Court ? Non, pas besoin 75 minutes de remplissage. Pour moi il est enivrant et primitif, il sublime la brutalité et me permet de me concentrer sur un chaos intérieur. Être primitif et vindicatif : voilà le charme vénéneux, satanique, interdit de Reing in Blood.
Si j'aime voir ce carnage sonore comme un bref monologue quasiment sans respiration, son morceau d'introduction, Angel of Death, est à part : son cri d'anthologie, ses paroles si controversées, sa session rythmique qui tabasse et ses riffs qui semblent partir dans tous les sens font qu'il est culte. Il donne le ton de l'album - sinistre et violent. C'est le summum du disque et du chaos qui va s'abattre, et pourtant il est placé en intro. C'est également le titre qui a le plus d'identité, et qui est peut-être le plus travaillé. Quand Angel of Death est joué en concert, c'est comme si tout Reign in Blood était interprété en cinq minutes.
Postmortem et Raining Blood clôturent l'album. Le premier est un peu quelconque, mais l'attaque des guitares évite qu'on s'endorme. C'est surtout un tremplin pour Raining Blood. Son riff d'intro est à la fois tellement simple et puissant (autre synthèse de ce disque) qu'on se demande comment ça se fait qu'il marche aussi bien.
Cette performance de brutalité vient en grande partie d'une production propre, où chaque instrument a sa place, où les graves sont tendu et les aigus bien défini. Il y a un peu plus de budget que sur les disques précédents, et c'est un budget bien employé. Merci Rick Rubin d'avoir tiré Slayer à ce niveau de production-là. Par contre la caisse clair aurait pu être moins sèche, mais c'est une affaire de goût. La re-masterisation n'était pas nécessaire ; le son d'origine a bien vieilli.
Le disque ne se résume pas à trois morceaux. Tous les morceaux peuvent être interchangés de place, et ce n'est pas une critique, c'est plutôt pour souligner la simplicité. Quoique les placements de Jesus Saves et Criminally Insane au milieu de tout ça est bien vu. Les textes varient entre des horreurs du style tueurs en série et satanisme, le tout chanté par un Tom Araya sombre et en même temps qui semble avoir la rage. Seulement, les titres ne sont pas tous très inspirés - c'est pas ici qu'on invente le fil à couper le beurre. C'est leur brutalité et leur interprétation qui les font vivre.
Si comme moi vous vous ennuyez sur des disques brutaux à cause d'un bourrinage artificiel, revenez à Reign in Blood (et enchaînez sur Demolition Hammer). Tout dans Reign in Blood est habité par la colère et la haine, deux émotions atavique réveillées par cette série de dix morceaux. Et c'est si puissamment-là que depuis 1986 le Metal et plus globalement le Rock doit faire avec Slayer.