Gorillaz n'a pas d'identité.
Gorillaz est un groupe qui n'a pas d'identité. On peut vaguement les catégoriser dans de la pop ou encore ce terme imbuvable que je déteste au plus haut point "d'alternative". Pourtant Gorillaz c'est un collectif, selon Albarn. Loin de moi l'idée de faire la leçon au monsieur, mais si Gorillaz est un collectif, Johnny Hallyday est un supergroupe. Parce qu'il n'y a qu'une personne à la musique de Gorillaz, qui invite de temps en temps des copains. Gorillaz, c'est Damon Albarn - featuring. Et c'est en ça que Gorillaz n'a pas d'identité. Parce que chaque feat est censé apporter quelque chose au morceau, la meilleure représentation de cette affirmation étant Song Machine (Robert Smith a apporté la dissonance dans son morceau, par exemple). Chaque invité apporte une pâte à un morceau. Malheureusement, avec Cracker Island, Albarn fait l'inverse de Humanz, là où ce dernier ne laissait que les invités s'exprimer relayant Albarn a un simple beatmaker, Cracker Island transpire le Albarn (c'est un bon point) mais laisse juste des noms a côté des morceaux simplement pour dire "eh, il est là lui aussi!". Certains sont très réussis, le titre éponyme laisse l'invité s'exprimer, ne le cache pas, et le morceau tourne presque autour de lui et de sa basse. Pareil pour New Gold, Bootie Brown et Tame Impala ont eu de l'influence dans le morceau, et le touché d'Albarn reste reconnaissable. Et puis y'a Oil. Super, une choriste en plus. Possession Island, super un choriste en plus. Tormenta, qui s'est trompé d'album le pauvre morceau. Silent Running, super un choriste en plus. L'identité de Gorillaz se défait, puisque désormais c'est juste un groupe de pop lambda, et plus un groupe ultra innovateur qui redéfinit les codes a chaque album.
Une trop grande cohérence
Pourquoi Demon Days, l'album Éponyme, Song Machine et Plastic Beach sont excellents ? Aucun morceau ne se ressemble, aucun n'a le même tempo, le même son, le même mix. Les morceaux sont à la fois extrêmement incohérents (Glitter Freeze et To Binge sont dans le même album, Désolé et Opium aussi, Double Basse et Rock the House pareil), mais véritablement connectés sous le signe du lâcher prise. Maintenant, Cracker Island tout comme Humanz pose problème : ils sont cohérents dans leur univers musical, ils sont dans une continuité, tout les morceaux se ressemblent. Sur 10 morceaux, 2 sortent du lot : Tormenta et son rythme latino et son abondance d'autotune (j'ai rien contre, j'adore Popcaan et même 6lack) mais là c'est TROP, donc il sort du lot pour moi par pour de bonnes raison, et Possession Island qui est le seul morceau a ralentir le tempo et a faire intervenir une guitare acoustique, mais là encore pas pour les bonnes raisons car je trouve l'invitation de Beck excessivement mal exploitée et le potentiel du morceau inachevé. Sinon, l'ensemble est homogène et cohérent, fait pour danser. En fait, a part les 4 tubes, c'est pas la forme. Tempo 4/4, batterie metronomique (ils ont laissé un bruit de métronome dans Cracker Island), constamment, au tel point que la seule rupture du rythme semble hors de propos.
Quand c'est bon, c'est très bon.
Pour résumer les points qui fâchent : trop grande cohérence qui brise l'identité du groupe, morceaux similaires, invitations mal exploitées, des morceaux qui n'ont rien a faire la (Tormenta) ou alors des morceaux pas finis (Tarantula ou Possession Island) voir pire, oubliables (Oil, The Tired Influencer). Il nous reste donc 5 morceaux. Et quels morceaux la vache ! Je comprends pourquoi c'était les 5 morceaux mis en avant pour la promotion de l'album. Dans l'ordre mes pensées sur les 5 morceaux :
- Cracker Island joue le rôle d'introduction endiablée qui donne tout de suite le ton : ça va bouger sévère. Les choeurs, la ligne de basse de Thundercat qui éclate l'idée du fait qu'une ligne de basse "pop" c'est quatre note. Pas de refrain, un chant énergique et désabusé, LE Gorillaz que j'aime, c'est un excellent morceau qui fout la pêche malgré un sujet particulièrement sombre et a double sens.
- Silent Running : un morceau en douceur et en subtilité, d'une légèreté et d'une mélancolie rêveuses qui emportent constamment. Même si l'invitation est un peu en deçà des autres, l'harmonie vocale avec Damon Albarn est telle que le featuring est justifié, les deux voix se complètent parfaitement, tant elles sont différentes : Albarn n'a pas une voix "puissante" et puis a 50 ans, avec plus de 30 ans de carrière au compteur, on a plus la fougue de la jeunesse. En bref, un très très bon morceau.
- New Gold : que celui qui ne tape même pas un peu du pieds me jette une pierre.
- Baby Queen : un slow avec un sujet réellement touchant, fourmillant de détail avec une mélodie pas si simple et prévisible, et qui ne peut que rendre compte qu'Albarn est encore aujourd'hui un excellent mélodiste, même si en terme d'arrangement ça va pas en s'arrangeant (boutade haha).
- Skinny Ape : le morceau me touche profondément, je ne vais pas m'étaler plus j'ai déjà écrit une critique complète sur le morceau.
Et c'est tout. 5 morceaux sur 10. Remarque, c'est mieux que 4 ou 5 sur 26 (n'est-ce pas Humanz?). Mais alors pourquoi ce résultat si mitigé finalement ? La tyrannie du moment. Il faut croire que les morceaux de l'Albarn actuel ne sont bon que lorsqu'ils sont fait en trois jours, et surtout fait chez lui, en Angleterre. Faisons une chronologie : Humanz, morceaux hyper travaillés au point d'être indigeste, trop toujours trop. The Now Now : des morceaux spontanés, mélancoliques, le calme après la tempête, tout les morceaux étaient cohérents avec sans doute le meilleur morceau de Gorillaz de ces 4 derniers albums (Fireflies). Puis vient (dans la chronologie d'Albarn) TNTFMPTSF, morceaux travaillés pendant longtemps, retravaillés encore et toujours et deviennent une sorte de trop plein le cul entre deux chaises, entre une volonté acoustique et un touche à tout électronique dépassé. Puis Song Machine : trois jours pour un morceau, puis on le laisse. Excellent album de Gorillaz. Cracker Island, au moment où le premier titre a été lancé et la sortie de l'album il y a eu 8 mois. 1 an, pour 10 morceaux. La moitié est a jeter.
Le temps tue la créativité et la spontanéité chez Albarn, il finit par en mettre partout, rendant les morceaux où trop plein, ou alors pire, trop vides. Là, a force de se retenir, les morceaux sont vides, similaires, aliénant (ironique vu le thème de l'album).
Une erreur de parcours ? Possible. Ça m'empêchera pas d'aller voir le monsieur en concert, a la fois avec Gorillaz mais aussi avec Blur.
6/10 (tentation de mettre 5 mais comme Skinny Ape est la plus longue, je met 6).
Update 1 : La version Deluxe vient de sortir, et avec cela 5 morceaux. J'ai mal pour ceux qui ont payé la version Deluxe, un seul morceau est "potable", un seul est bon le reste est sympa sans plus...
Update 2 : Après m'être renseigné un peu plus, il s'avère que le producteur de l'album est a eu une main plus que lourde sur l'album. A tel point que ce n'est pas Albarn qui a demandé le feat sur Oil, mais le producteur (ce qui fait que je trouve le feat mauvais, car pas pensé à la base), mais c'est sans doute lui aussi qui aurait suggéré la collaboration avec Bad Bunny. Comprenez, ça fait vendre. Le producteur est celui de SIA, ayant signé les plus grands tubes de la chanteuse. Je dit pas que Gorillaz n'a jamais eu la patte de son producteur en dehors d'Albarn (Dan the Automator, Kabala.Jr pour ne citer qu'eux), mais peut être que celui-ci n'a pas compris l'essence de Gorillaz.