Lorsque des rumeurs de dissolution ont commencé à entourer Tamaryn, je me suis senti mal. En effet, il s'agit de l’un des rares groupes du renouveau actuel du shoegaze à ne pas souffrir de la comparaison avec les anciennes bandes du genre. Celles qui ont dessiné et renforcé les contours de cette musique si particulière, mais que trop peu cherchent à remodeler aujourd’hui.
Ce n’est pas que ce duo soit particulièrement original. Cependant ce qu’il fait, il le fait très bien tout en étant sans équivalent. Avec ce 3ème disque studio, la chanteuse Tamaryn Brown devient pourtant la maîtresse incontestée de ce projet. Le divorce entre elle et son acolyte d’écriture, Rex John Shelverton, étant chose faite. Dorénavant, c’est Shaun Durkan, leader des talentueux Weekend, qui hérite de son poste pour aider la brune Néo-Zélandaise à continuer son bout de chemin en compagnie du producteur Jorge Elbrecht. Un changement de personnel qui n’est pas sans conséquence sur la musique.
Dès la chanson « Cranekiss », c’est le choc esthétique. Basse post-punk, synthés aériens typiques des années 1980 et beat marteau pilon dont l’objectif est clairement de nous faire onduler sur les pistes de danse. Puis vient la seconde surprise : c’est tout simplement incroyable. Tamaryn a déjà chanté sur des morceaux aussi bons que celui-ci, mais pas aussi immédiats ! Sa voix faisant toujours merveille entre douces vocalistes heavenly, typiques du Cocteau Twins de la seconde moitié des 80s, et intonations vocales plus affirmées. « Hands All Over Me » et ses accents funky confirment que cette orientation était l’idée du siècle. Les pisses-froids se contenteront de faire un rapprochement avec Madonna alors qu’ils oublient un détail particulièrement important : la Madonne n’a jamais troussé de chanson aussi irrésistible. Sans oublier que Madame Brown n’a rien à voir avec cette pin-up sans substance, tant sa voix sensuelle recèle une profondeur nettement plus importante. C’est la seule vocaliste qui peut succéder à Toni Halliday, ce qui n’est pas rien.
Si Cranekiss dévoile d’autres perles d’électro dream pop au groove et au songwriting affuté tel le refrain décoiffant de « Last », il se perd malheureusement en milieu de parcours (« Keep Calling » et « I Won't Be Found ») avant de retrouver toute sa puissance sur des titres obsédants et conservant ses qualités atmosphériques. Un relâchement se résumant en quelques mots : Tamaryn revient à ses premiers amours shoegazing.
Un domaine où elle excellait auparavant mais qui ne convainc plus tout à fait désormais. Une petite erreur de parcours qui pénalise le rythme d’un album au lancement parfait, même s’il démontre aussi que cet attachement aux racines peut être intéressant quand il est mélangé aux envies du moment. L’érotisme de « Softcore » (ses samples d’orgasmes féminins, huhu) et le shoegaze aux échos techno d’« Intruder » faisant leur effet.
Il est difficile d’expliquer pourquoi Tamaryn ne prend pas son virage avec plus d’assurance. Peut-être pour ne pas s’aliéner ses premiers fans, ce qui est fortement dommage. Rien qu’à cause de ce détail, Cranekiss n’est pas tout à fait au même niveau que ses prédécesseurs. Toutefois, il incarne une très belle transition vers un avenir que l’on soupçonne encore plus mélodique et électronique sans que ce charme éthéré mais langoureux qui caractérise le couple ne s’efface. Un compromis qu’on attend impatiemment et surtout mieux consolidé. Les saveurs de ce disque laissant un goût tenace dans le palais et ouvre un appétit insatiable. Miam, miam.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.