Cet album sorti en 1998 est un triple CD de celui qui se faisait encore appeler à ce moment-là « Love Symbol ». Le trouver aujourd’hui en CD à un prix raisonnable (jamais moins de 3 chiffres !!!) relève de l’exploit mais on peut l’écouter sur les plateformes de streaming. Il s’agissait d’une collection de ses titres inédits, extraits de ses archives, le légendaire The Vault, comprenant des pistes issues des sessions de 1986 pour les albums abandonnés « Camille » et « Dream Factory » (comme « Sexual Suicide », « Good Love », «Dream Factory » et « Movie Star ») et des morceaux plus récents tirés de la période « The Gold Experience » (« Acknowledge Me », «Ripopgodazippa », « Days of wild » par exemple). Des titres des années 80 se mélangent donc à ceux de 1992-96. Il y en a pour tous les goûts, Prince ne s’interdit rien et brasse un large éventail de styles musicaux, de la ballade pop au funk en passant par le rock à guitares (« Calhoun Square », « The Ride ») et même du jazz dans « 2morrow » avec un solo de guitare qu’on dirait pompé sur George Benson !
La chanson « Crystal Ball » qui ouvre ce triple album a été enregistrée au printemps 86 au moment où le président des Etats-Unis, Ronald Reagan, avait décidé de bombarder la Libye de Kadhafi, après que des terroristes aient fait exploser une bombe dans une discothèque berlinoise fréquentée par des soldats américains. Kadhafi semble en être le commanditaire. Les représailles américaines sur les villes libyennes ont été violentes et ont fait des dizaines de victimes. Dans cette chanson, Prince dévoile ses angoisses face aux conflits armés qui éclatent dans le monde et il s’interroge sur l’équilibre d’un monde toujours très fragile. Au même moment (1985), « Russians » de Sting se faisait lui aussi l’écho de ses peurs. Pour Prince, la seule solution à ces angoisses profondes c’est le sexe et l’amour, un moyen de se rassurer et aussi de profiter de la vie alors qu’une partie de l’humanité souffre et court à sa perte. L’hédonisme sans limite est la seule réponse raisonnable aux inquiétudes au sujet de la mort, essayer de la repousser un tant soit peu : puisqu’on va mourir un jour, autant jouir à fond tant qu’il est encore temps. Il a enregistré ce titre uniquement accompagné de ses 2 complices, Susannah et Wendy Melvoin. Il vivait d’ailleurs à cette époque-là avec Susannah. Un album peut-être roboratif, longuet par moments et parfois très moyen (le hip-hop répétitif « P.Control » et son scratch vieillot…) mais des morceaux inédits de Prince, ça ne se refuse jamais même si ça n’est pas, bien sûr, un indispensable.