La mort du best of

J’ai retourné la tracklist de ce nouveau Best of dans tous les sens : ça manque cruellement de logique.

Remettons les choses dans leur contexte. En 2005, Eminem est au sommet de sa carrière et sort Curtain Call : The Hits. Il ne s’agit pas d’une simple compilation des plus grands succès du rappeur. Pour que les fans mettent de nouveau la main au porte-feuilles, quelques inédits sont enregistrés spécialement pour l’occasion : une intro et Fack qui sont des morceaux assez proches du style d’Encore, Shake That avec Nate Dogg à l’ambiance à la fois sombre et dansante, et enfin When I’m Gone, l’un des titres les plus bouleversants du rappeur de Detroit. Et ces quatre nouveaux titres, on pourrait les écouter à la suite, ça ferait un chouette EP. En plus de la très bonne sélection de tubes qui accompagne ces inédits, il n’y a plus qu’à noter la présence de Lose Yourself (alors disponible uniquement en single ou dans la B.O. de 8 Mile) et celle d’une version Live de Stan donnée avec Elton John. On obtient un résumé impeccable de la carrière de l’un des plus gros vendeurs de disques du début des années 2000, le best of ultime en somme.

17 ans plus tard, alors que le streaming est roi, Eminem propose cette fois un double best of avec des titres sortis entre 2009 et cette année. Mais il n’y a pas grand-chose qui va.

Du côté des purs titres inédits, on en a (seulement) 2 : un titre avec Snoop Dogg enregistré pour l’occasion, et un inédit enregistré avec 50 Cent en 2009. Cette fois Eminem ne s’est vraiment pas cassé la tête, et seul le titre avec 50 Cent est réellement nouveau puisque le morceau avec Snoop est disponible depuis plusieurs semaines. Mais vous me direz, à juste titre, que le but est surtout de vendre du support physique pour les collectionneurs et les fans, et de les gâter avec quelques titres qui ne sont pas sortis sur les albums d’Eminem. D’une certaine manière c’est vrai : on retrouve le titre réalisé pour la B.O. du film Elvis, les deux morceaux composés pour la B.O. du film La rage au ventre, Best Friend de Yelawolf ou encore deux singles de Bad Meets Evil qui avaient sorti leur Hell : The Sequel en 2011. Bon pour ma part je pense que les fans ont déjà l’album de Bad Meets Evil et peut-être même l’une des deux B.O. citées plus haut à la maison, mais on peut au moins respecter cet effort. D’ailleurs je trouve le titre avec Snoop Dogg très anecdotique, et pour ce qui est du morceau avec 50 Cent je comprends pourquoi il n’est pas sorti à l’époque, un peu trop répétitif malgré sa durée assez courte à mon goût. L’instru reste amusante.

Le vrai problème, ce n’est pas tellement la pochette assez moche ou la présence de tous les morceaux que je viens de citer, c’est que du bonus, mais c’est plutôt l’occasion manquée de mettre en avant d’autres collaborations post-2009 ou tout simplement des singles plus connus que les titres proposés dans la partie Best of. Pour la petite anecdote, il était possible de voter sur internet pour choisir les morceaux à inclure. Il fallait sélectionner 33 chansons. Les choix possibles étaient plutôt restreints pour les apparitions d’Eminem sur les titres des autres, mais par contre pour les albums c’était open bar et c’est là que ça ne colle pas. J’adore Recovery, c’est l’album qui m’a fait découvrir Eminem. Mais You’re Never Over et Cinderella Man (j’adore ce titre d’ailleurs) dans un best of, c’est juste débile. De toute manière en streaming personne n’ira réécouter les anciens titres, et en CD ou vinyle les fans les ont déjà. Ça aurait pu juste permettre d’avoir à disposition une liste des singles sortis ces dix dernières années pour les néophytes, mais non. Il y a débat à ce sujet : un best of doit-il être une sélection de bons titres d’un artiste, même s’il s’agit de titres jamais sortis en singles, ou bien une compilation de singles bête et méchante ? Comme Curtain Call premier du nom faisait partie de la deuxième catégorie, ça me semble assez incohérent d’avoir opté pour le premier choix ici. Parce que je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’à la place des non-singles de Revival on aurait pu enfin avoir I Need a Doctor de Dr. Dre sur un support physique officiel, ou encore That’s All She Wrote de T.I. car personnellement je n’ai pas envie de mettre de l’argent dans un album de T.I., même s’il est peut-être très bien. Il n’y a pas Forever non plus alors que c’est un titre apprécié des fans. Ok, il était présent sur la réédition de Relapse, mais remettre en avant cette collaboration avec Drake, Lil Wayne et Kanye West, ça aurait pu être classe.

Ça fait beaucoup de mots pour un disque qui sent forcément le réchauffé de par sa nature, mais j’avais besoin d’exprimer ma déception quant aux choix qui ont été faits ici. Je prendrai sûrement l’album dans un bac à promo dans quelques années pour avoir les quelques titres que je n’ai pas sur CD, mais c’est quand même pas folichon.