L’effort de D12 sonnera terriblement classique pour ceux qui écoutent du rap à longueur de journée. Classique dans le sens du déjà vu. Des beats bien lourds très West Coast. On rajoute quelques cordes derrière, pour l’impact mélodique, et un flow de dingue craché dans ta face. Pour ceux qui aiment les drive by, les braquages de banque, les amateurs de violence verbale, de crachat par terre, de caca pipi, de violence tout court, on a : Get My Gun, pour les misogynes : B****. Pour les amateurs de déclarations d’amour enflammées à son groupe : My Band. Le meilleur morceau, le tube de l’album. Morceau intensément original, dans cette atmosphère de gansta-rap, rafraîchissant, et très drôle. Sinon on a le morceau pour serial-killer : American Psycho II. Le morceau de recueillement, en hommage à un frère qui est tombé : Good Die Young. On dirait une BO pour série B rap, avec juste un petit problème. Tout est bien fait. Il y a les nanas qui fuient en courant, ou qui chialent. Les machos violents qui les tabassent (vocalement), une violence verbale sans limite, les bruitages, les mitraillettes : RAAAATA TATA tatatatatatatata ! Ça reste normal, tout ça. Le seul (gros) problème, c’est Eminem lui-même.
Il a beau se cacher, on n’entend que lui, on ne voit que lui. Et même à cinq derrière, ses copains n’arrivent pas à le jeter hors de scène, et lui prendre le mic pour faire un petit solo. D’où le ratage de D12, qui n’est pas un vrai groupe de rap, à l’instar du Wu Tang par exemple, avec neuf individualités, différentes et complémentaires. Et c’est My Band qui explicite le mieux le paradoxe. Au lieu de dire tout le temps : My Band, dans le refrain. Il aurait mieux fait de mettre son égo dans sa poche deux minutes, et dire : Our Band, au moins une fois, et là, on aurait été tenté de le croire. Mais non. Il dit : moi, moi, moi. D12 c’est donc le groupe d’Eminem, c’est comme ça que tout le monde le voit. Malgré le coup médiatique, le vidéoclip original, et comique à mourir. Le seul qui arrive vraiment à nous intéresser, c’est Bizarre, avec son flow encore plus bizarre que son physique, et dont l’égo est encore plus grand que celui d’Eminem. C’est le seul qui arrive réellement à lui tenir tête. Les autres assurent le coup, c’est tout. Swift est bon, mais ça ne suffit pas. Le seul morceau sans Eminem, qui tient la route, c’est UR The One, choral rap à plusieurs voix cassées. Sinon, son flow haute voltige, son timbre nasillard de kalachnikov, sa pulsation électrique, fait mouche à tous les coups.
Finalement ses potes ont raison de dire : « Fuck Marshall ! » Même dans un album collectif, on n’entend que lui. Même quand il se contente de faire les chœurs, on n’entend que lui. Fuck Marshall!