Ah, marrante cette critique...
Voilà peut-être un des albums que j’ai le plus attendu ces dernières années, et qui m’a fait traverser pas mal d’émotions au fil du temps et des écoutes. Pas que le délai entre Once et celui-ci ait été interminable, mais j’ai découvert Nightwish en 2005 et, deux ans plus tard, c’était sans aucun doute un de mes groupes favoris. Premier sentiment, la curiosité, l’espoir et une attente un peu frénétique. La nouvelle chanteuse, les fans l’attendaient au tournant, divisés sur l’éviction de Tarja, depuis laquelle circulent des rumeurs rapidement suivis de démentis. Jusqu’en mai et l’annonce que c’est Anette qui prendra la relève, Nightwish est parvenu à garder son secret et son effet de surprise. Ce sentiment, j’étais donc loin d’être le seul à l’éprouver, et l’émulation faisant bien son travail, chacun contribuait à exciter davantage cette expectative, nourrissant à la fois les espoirs et les craintes. Et nous n’étions pas seuls, le management faisant aussi très bien son job pour garder un rythme infernal de petites annonces renforçant cette sorte de frénésie. Nous arrivons finalement en mai 2007. Sur un PC du lycée, j’apprends la nouvelle, c’est donc Anette Olzon, ex-Alyson Avenue, qui va officier en tant que chanteuse. Suédoise inconnue au bataillon, je n’ai à vrai dire même pas pris la peine d’aller écouter son précédent groupe, ce qui me paraît aujourd’hui un peu étrange quand je me souviens la curiosité qui m’habitait, mais bon. En tout cas, l’effet de surprise était parfaitement réussi. Nightwish avait affirmé ne pas rechercher nécessairement une chanteuse lyrique, c’est le cas pour Anette qui a un registre nettement plus « rock », ce qui me rendait par ailleurs sceptique (mais encore une fois curieux) sur la façon dont elle reprendrait les anciens titres en live.
Après cette annonce vient la découverte, fin mai, du premier titre de Dark Passion Play, à savoir « Eva », qui est mon premier contact avec la voix de la suédoise. Je reste réservé sur le choix de la chanson, qui ne met pas vraiment en avant les particularités de son chant, mais c’est aussi un bon moyen d’entretenir le suspense en n’en révélant pas trop à la fois. C’est donc une ballade, ce qui n’est pas vraiment un bon moyen avec moi de mettre Anette à son avantage, n’étant que peu friand de cet exercice lorsque c’est Nightwish qui s’en charge. Je télécharge donc (et légalement, s’il vous plaît), et première bonne surprise, même sans atteindre des sommets, je la trouve plutôt pas mal, surtout comparée aux autres. Après cette première révélation, les choses s’accélèrent et des extraits d’autres morceaux sont révélés. Là encore, je suis assez séduit par l’ensemble, le côté folk celtique de « Seven Days to the Wolves » et son refrain à l’air particulièrement efficace m’inspire confiance, l’extrait de « Master Passion Greed » est alléchant, seul celui d’ « Amaranth » me laisse sur ma faim.
Quelques mois d’attentes supplémentaires plus tard, Dark Passion Play sort enfin. Après ces premiers sentiments d’impatience, j’écoute l’album de nombreuses fois, et je peux enfin juger ce dernier opus dans sa globalité. Les premiers temps, je suis à peu près conquis par tout et je trouve que Tuomas prouve là son génie. Aucun titre ne me retient autant que « Ghost Love Score » sur Once, mais l’ensemble me plaît beaucoup, notamment l’instrumentale et l’acoustique « The Islander », qui touchent des cordes sensibles. Et puis petit à petit, nouvelle émotion, la déception et le rejet. De façon un peu stupide je pense, je me suis dit que c’était mieux avant, que Tuomas aurait dû rester à ce qu’il faisait de mieux (donc du Oceanborn) au lieu de se prendre pour un chef d’orchestre, que de toute façon Anette est moisie et que tous les titres (sauf les deux précités) sont pourris. Réaction étrange, totalement opposée ou presque à mes premiers sentiments, que j’estime alors devoir à l’attente excitée que j’avais de cette sortie.
Le temps passe, et je lui redonne sa chance, alors que Nightwish n’est plus vraiment mon groupe favori, que je n’ai plus d’attentes particulières vis-à-vis d’eux, et bien sûr, ça passe mieux. Tout n’est pas génial, mais depuis je me le repasse assez régulièrement, en tout cas je ne trouve plus que c’est une bouse comme je le pensais quelques mois plus tôt. Son principal problème est le même que sur Once, à savoir l’hétérogénéité. On aurait pu espérer que, tout en allant dans la direction plus orchestrale ébauchée sur son prédécesseur, les compositions (qui ne sont plus que de Tuomas, qui laisse un peu de place à ses partenaires) auraient gagné en qualité, malheureusement l’erreur se répète, tant entre les différents titres qu’à l’intérieur de ceux-ci. Je trouve « Last of the Wild » et « The Islander » (composée par Marco) toujours très chouettes, notamment la deuxième avec un chant très apaisant et deux voix qui se marient bien. À ces deux morceaux s’ajoute « Sahara », coup de cœur tardif avec son ambiance un peu orientale bien plus réussie que sur « The Siren ».
Pour les autres, je reste plus réservé. J’ai déjà parlé d’ « Eva », l’autre ballade (« Meadows of Heaven ») est aussi relativement réussie, avec ses chœurs gospels qui lui apporte une touche originale bienvenue (même si je trouve ça un peu too much), mais enfin rien de bien folichon non plus. Comme sur Once, cette originalité se retrouve dans plusieurs morceaux, qui ne se ressemble pas et sont bien distincts les uns des autres. On peut leur reprocher une moindre qualité, tout comme on pouvait reprocher une approche trop linéaire sur les premiers albums. « Master Passion Greed », très orientée thrash, avait révélé son meilleur passage avec l’extrait disponible (même si la fin avec les cordes est très bonne aussi), le reste du titre est moins impressionnant, malgré une interprétation sans faille de Marco. C’est un peu le même phénomène sur « Seven Days to the Wolves », qui montre des passages assez inspirés et d’autres plus anecdotiques.
Le titre qui se veut phare dans Dark Passion Play est placé en première position. Placer un tel morceau d’emblée est toujours délicat, car s’il est effectivement très réussi il faut que le reste de l’album soit à la hauteur, ce qui n’est pas toujours le cas. Le placer en fin de liste est aussi un bon choix pour finir sur une bonne impression, mais là encore il ne doit pas servir de prétexte à remonter un album trop moyen mais plutôt conclure avec beauté quelque chose de déjà convaincant. En plaçant en premier « The Poet and the Pendulum », de plus de treize minutes, Tuomas veut d’entrée montrer qu’il a vu encore plus grand que pour Once et qu’il peut faire plus fort que « Ghost Love Score ». Comme les fans le savent, le maestro est un grand fan de musique de films et il souhaitait faire rentrer ce paramètre dans sa musique, on le ressent avec « Poet… », qui se déroule en plusieurs actes, une recherche de plusieurs émotions (la pureté du début avec ce chœur d’enfant, la haine avec les passages chantés par Marco…), avec des orchestrations toujours plus riches. Au final, le résultat est tout à fait correct, mais on est loin de l’ambition proclamée d’en faire une « masterpiece », l’hétérogénéité notée plus haut étant encore présente et le titre ayant quelques longueurs (là où « Ghost Love Score » était bon de bout en bout), malgré un refrain très efficace. C’est d’ailleurs ce qui me fait penser que Dark Passion Play est un peu inférieur à son prédécesseur, le manque d’un morceau vraiment au-dessus du lot qui donne du cachet et qu’on attend à chaque écoute. Le reste est plus moyen, rarement mauvais (même si « For the Heart I Once Had » est en-dessous) mais sans grand intérêt.
Après plusieurs années, le sentiment d’amour/haine trop démesuré envers cet album est donc passé, et j’en suis venu à l’aborder tout simplement sous l’angle du constat, sortant de toutes ces émotions qui m’ont influencé la première année suivant sa sortie. Un point de vue sans doute plus objectif (est-il meilleur pour autant ? il est en tout cas moins passionné, ce qui n’est pas nécessairement un bien), qui conclut que Dark Passion Play, ambitieux, est un opus bon, qui n’a pas vraiment corrigé les faiblesses de Once tout en voulant aller plus loin dans sa démarche. Nightwish reste dans le haut du panier du metal symphonique, et j’attends de voir ce qu’Imaginaerum va donner, s’il arrivera à concrétiser ces deux tentatives un peu mitigées et à enfin trouver son homogénéité. Mais cette fois, j’aurai moins d’excitation et j’aborderai ça plus calmement, promis !
La prestation d’ Anette ? Au fond, ce n’est pas vraiment ce qui change grand-chose ici…