"Getaway, runaway, fly away / Lead me astray to dreamer's hideaway"

Pourquoi Dark Passion Play c'est le bien ?

• Parce que Nightwish a viré Tarja. Hérésie, hérésie, je sais, n'empêche que ça devenait imbuvable, leur petite affaire. Alors qu'on avait eu trois premiers albums ambitieux, magnifiques, atypiques, novateurs, auxquels la voix de Tarja avait bien sûr apporté beaucoup, il faut bien reconnaître qu'avec Century Child (encore très bon) et surtout Once, le groupe était en perte de vitesse. La voix de Tarja devenait un cache-misère : toujours aussi magnifique, mais plus grand chose derrière. Presque plus d'innovation (alors que Oceanborn par exemple mêlait metal et classique de façon magistrale), au contraire on s'enfonce dans la soupe commerciale comme le fera si bien Tarja après son départ de Nightwish. Il devenait évident que le groupe et leur chanteuse ne pouvaient plus s'entendre sur la direction musicale à prendre.

Donc, même si la voix de Tarja avait vraiment porté le groupe à ses débuts, la décision de la virer était la seule bonne chose à faire. On s'aperçoit en effet avec cet album, et le suivant Imaginaerum que ce qui fait véritablement l'identité de Nightwish ne tient pas qu'à sa voix, mais à l'incroyable génie du compositeur et clavieriste Tuomas Holopainen.

Le choix de Anette Olzon maintenant. D'abord, il faut vraiment être de très, très mauvaise foi pour dire qu'Anette est une mauvaise chanteuse. Elle a une très belle voix, et très bien maîtrisée ; non, ce qui gène, c'est la différence avec Tarja Turunen. En effet on est loin ici d'une voix d'opéra, ce qui enlève un peu au côté "symphonique". Toutefois il ne faut pas oublier que ce qui est intéressant chez Nightwish, et ce dès le début, c'est les compositions, que la chanteuse doit porter. Tarja le faisait bien, Anette ne s'en tire pas trop mal (et beaucoup mieux dans Imaginaerum !), les seuls défauts venant du fait que l'album a été composé sans elle, et donc lui est assez peu adapté, ce qui se ressens sur 2-3 chansons comme Bye Bye Beautiful ou 7 Days to the Wolves. Mais ces défauts restent mineurs : oui la couleur de la musique a changé, mais elle reste magnifique, d'autant que Marco Hietala fait une très belle performance sur cet album (The Islander notamment).

• D'excellentes compositions, un nouveau souffle. Alors que Once s'enfonçait dans le rock émo pour adolescent (à quelques exceptions près, mais notamment la production est vraiment horrible), on a à nouveau de la recherche, de l'épique, du symphonique, du folk dans cet album. Bien sûr, ce chef d'œuvre de 17 minutes qu'est The Poet and The Pendulum, peut-être la meilleure chanson que Holopainen ait jamais composé. Mais aussi les accrocheurs Bye Bye Beautiful et Amaranth, notamment le dernier qui porte véritablement l'album. For the Heart I Once Had et Meadows of Heaven sont deux excellentes ballades. The Islander, Sahara et Last of the Wilds réintroduisent un peu de folk dans l'album, avec brio. Cadence of her Last Breath et 7 Days to the Wolves, du bon Nightwish, metal symphonique comme on l'aime. Ne restent que Master Passion Greed et Eva, deux "ratés" de l'album où la voix d'Anette rencontre ses limites.
  Le niveau moyen des chansons est ainsi excellent, et les deux ratés sont bien pardonnables ; ils ne font pas non plus saigner les oreilles. Non, ce qu'on pourrait reprocher à cet album réside autre part : la musique part dans toutes les directions, plus ou moins (mais plus que moins) heureuses, et l'album en devient très hétérogène : du point de vue de la qualité des compositions et des paroles, du point de vue des influences également, et du point de vue de l'intégration de la voix d'Anette dans la composition. Il n'y a pas vraiment d'unité thématique ou musicale dans cet album, et c'est là que réside sa véritable faiblesse.

En définitive, à moins que vous soyez un inconditionnel de Tarja et que vous ne juriez que par elle au point de refuser qu'un groupe de metal symphonique ait une voix différente (auquel cas vous êtes une bien pauvre personne, je veux dire, j'ai rien contre Tarja mais s'enfermer comme ça dans ses goûts musicaux c'est triste) vous devrez reconnaître que cet album, bien que marquant une rupture et comportant des imperfections et étant d'une hétérogénéité flagrante, est fort agréable à l'écoute. J'ajouterais que ce qu'il manque à cet album sera présent dans le suivant, Imaginaerum, qui montre bien la justesse des choix faits dès Dark Passion Play, et va approcher un peu plus Tuomas Holopainen du statut de demi-dieu.