Das Seelenbrechen
7.6
Das Seelenbrechen

Album de Ihsahn (2013)

N'allons pas par quatre chemins, avec ce 5ème album, IHSAHN risque de rebuter certains auditeurs, et je ne parle même pas des nostalgiques d'Emperor... qui, même s'ils comprennent volonté du bonhomme, espèrent peut être encore une démarche « moins » savante de sa part.

Sorti en 2006, « the Adversary » le premier album d'Ihsahn annonçait déjà la couleur, il n'allait rester de black metal que sa voix d'écorché, sa voix claire cristalline, quelques réminiscences d'un Peccatum ou d'un « Prometheus » dans un premier temps, histoire de ne pas couper le cordon trop vite avec les fans d'Emperor. Ambitieux, technique, avant-gardiste, progressif, les adjectifs se succèdent au fur et à mesure des albums de « Angl » à « Eremita ». Impossible de ne pas saluer à chaque fois les performances techniques souvent ahurissantes, le peaufinement des structures, des arrangements, les recherches d'ambiances, la richesse sonore, au risque de ne pas trouver cela bien... passionnant.

IHSAHN revient donc avec « Das Seelenbrechen », enregistré dans son studio et toujours accompagné à la batterie de l'excellent Tobias Ornes Anderson (LEPROUS). Le titre en allemand fait reference à l'oeuvre de Nietzsche « Humain, trop humain » qui traite de la question du « génie » et de l'art, privilégiant dans sa définition le résultat d'un travail en profondeur (intérieur et extérieur) à une dimension quasi mystique qu'on lui attribue généralement. Le choix n'est pas innocent, et ce cinquième opus sort tout juste un an après « Eremita », comme si celui ci ne l'avait finalement pas tant comblé, et qu'il était urgent de sortir délibérément de ce qu'il jugeait lui même une « formule » (de composition, d'enregistrement, de références). Sans pour autant perdre de sa verve impériale, de son savoir-faire, « Das Seelenbrechen » sonne alors comme un reparamétrage créatif. IHSAHN s'abandonne alors à l'improvisation et à d'autres textures musicales peu revendiquées dans le monde du metal. Prenons un titre comme « Tacit 2» qui manifeste une férocité, un chaos musical digne des élucubrations de Diamanda Galas, « Rec » ou encore « See » morceau malade et agonisant, nous sommes là dans les méandres de la musique contemporaine, ou plus proche de nous, d'un Sunn O))). « Ater » nous plonge dans une ambiance que n'aurait pas reniée David Cronenberg lorsqu'il confia à Howard Shore la musique de « Crash ». Mais IHSAHN sait également se montrer plus accessible en proposant de longues plages progressives inédites comme sur « Tacit » un morceau d'une ampleur rare avec son break free jazz inattendu, saccadé pour libérer ensuite un thème d'une intensité et d'une tenue redoutable. « NaCi » ou « Hiber » évoqueraient également plus un YES, période « Close to the Edge » avec ses arabesques rythmiques jazz rock imprévisibles.

IHSAHN retrouve donc ses lettres de noblesse et ne craint plus rien, profitant de ses révolutions intérieures, favorisant les métamorphoses, conscient que ce sont elles qui lui ouvrent de nouvelles perspectives, assoient son ambition et sa progression.
Boris_Doussy
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le 6 déc. 2014

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