Voilà un certain temps que j’entendais parler de The Weeknd, qui fait un tabac des deux côtés de l’Atlantique, avec son lot de controverses – entre autres une série d’accusations de plagiats, mais ça ne sera pas le sujet ici. Ces derniers temps, je tente quelques incursions dans la musique dite "mainstream" actuelle, simplement pour savoir de quoi il en retourne. Avec des résultats plus ou moins heureux: Maître Gims m’a assez plu (eh oui!), mais Justin Bieber m’a provoqué des crises d’urticaire au point que j’ai failli me griffer jusqu’au sang. Je poursuis donc cette incursion en m’attaquant à un gros morceau – inutile de le citer une nouvelle fois!


L’album démarre bien. L’intro éponyme est très plaisante, caressante, permettant à l’auditeur de s’immerger dans l’album. Beaux sons de flûte (un émulateur de mellotron?), belles nappes, un séquençage bref mais convaincant. Ce morceau illustre bien le concept de l’album: des extraits parlés, et un thème conçu comme un jingle radiophonique, revenant ensuite plusieurs fois dans l’album, servant de fil rouge et permettant de structurer l’album. Un Abel Tesfaye vieilli apparaît sur la pochette, comme un autochtone témoin d'une période révolue. On peut ainsi voir en l'album un artefact temporel nous livrant des fragments de musiques d'une autre ère, les fameuses années 80, et qui à la même occasion livrera aux générations futures le son des années 2020.


Les interludes ont leur importance. Ainsi, entre certains morceaux, on retrouve assez régulièrement les fameux extraits parlés ressemblant à des transmissions radio, ou des jingles plus sophistiqués. La production est jolie, chatoyante, presque foisonnante par moments: association habile de rythmiques vintage typées eighties et de mélodies électro dans le vent. J’aime beaucoup le slam posé, presque indolent, de Jim Carrey, qui intervient régulièrement au cours de Dawn FM.


La doublette How Do I Make You Love Me? - Take My Breath est le sommet de l’album. Un break électro d’enfer, un chouette pont planant, et une transition idéale entre les deux morceaux, qui forment vraiment un tout cohérent, un ensemble vraiment bien foutu. L’interlude A Tale By Quincy vaut surtout pour le touchant récit autobiographique de Quincy Jones, qui parle de sa belle voix rocailleuse. Sacrifice est un beau titre dansant, un très bon exemple de son vintage, où l’Auto-Tune est encore correctement géré. Mais là apparaît déjà le problème: un hommage trop appuyé au son des années 80, un exercice de style qui malheureusement ne vole pas haut.


Jolie production, mais empoisonnée par l’une des plus terribles erreurs de l’histoire de la musique, l’Auto-Tune. Sur la plupart des morceaux, cet effet est pas trop mal géré, on va dire que c’est écoutable. Mais sur certains passages, ça fait mal, très mal. Malheur de malheur, de bonnes instrus comme Best Friends ou Gasoline sont littéralement détruites! The Weeknd parvient à faire pire encore: certaines instrus sans aucun intérêt se voient dotées d’un lead vocal hideux au possible, et c’est ainsi presque la moitié des morceaux qui sont à jeter: Out Of Time, Here We Go Again, Is There Someone Else?, Starry Eyes et Don’t Break My Heart, en plus de Best Friends et Gasoline. Vite, mon sérum pour les oreilles!


Heureusement, il demeure un certain nombres de plages à l’instru solide, et avec un Auto-Tune raisonnablement écoutable: I Heard You’re Married avec une apparition notable de Lil Wayne, Less Than Zero où les influences 80’s sont bien assimilées. Every Angel Is Terrifying est une étonnante et hypnotisante composition à tiroirs, stroboscope d’ambiances. D’abord peu convaincant (électro bateau et autotune), ce son se fait ensuite beaucoup plus immersif. Dommage que ce soit si court!
L’album se conclut en beauté sur Phantom Regret: une magnifique déclamation de Jim Carrey sur fond de piano électrique rêveur. Beaux arrangements électro.


Tout semble calculé, millimétré, préfabriqué, on dirait du Michael Jackson de supérette (d’opérette?). L’alliage de neuf et de vieux a accouché d’une souris. Une rencontre artificielle, in vitro. L’ensemble est habile, il y a de belles choses certes, mais enclavées, et pour ainsi dire sacrifiées à cette r’n’b en papier mâché. La plupart des mélodies ne sont pas mémorables pour un dollar. Même les moments entraînants comme «Sacrifice» ou «How Do I Make You Love Me?» sonnent creux, une tentative malheureuse de retrouver l’esprit eighties, le tout couronné par cette pseudo-virtuosité vocale, succédané de soul tout droit sorti de la gangrène Auto-Tune, qui détruit le grain de voix du chanteur et ne rend pas compte de ses réelles capacités vocales.


Le bilan n'est pas brillant. Sur le plan musical, le très bon cotoie l'insignifiant. Dans la forme, l'ensemble est plat et attendu, mais zébré de fautes de goût détestables. La note finale et donc de 3,5/10. En élagant les trois pires morceaux et avec un autotune mieux employé, j'aurais pu octroyer la moyenne à cet album.

Alphananar
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le 14 janv. 2022

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