Des fous, des furieux, des déviants, des détraqués complets. Qui font de la musique ! Et ça donne quoi ? ... Un tsunami bruitiste catatonique. Fascinant comme le mal, d'une noirceur assourdissante, quand l'aveuglement rejoint l'éblouissement. Les vociférations, aux limites de la vocalité, semblent provenir d'un temps immémorial, avant homo sapiens. Et dans les spasmes incessants, dans les martèlements et les convulsions rythmiques, on perçoit le son des origines.
Du « true black metal ». True de chez true. Plus true, y a pas. Ils auraient dû faire davantage de musique, ça leur aurait évité de débloquer autant dans la vraie vie : racisme, incendie d'église, suicide, meurtre, cannibalisme... (des vrais touche-à-tout). Les pulsions, c'est pour l'art, les gars. Pas pour la vie, ou alors pas comme ça. Irrécupérables... Vous pouvez me croire, ils se moquent de ce qu'on pense de leur musique. Et même, ils préfèreraient qu'on ne l'aime pas. Ou, mieux encore, qu'on ne la connaisse pas, et rester ainsi un art d'initiés.
May-haine. Pourtant, en les écoutant, je ne peux m'empêcher d'éprouver pour eux et pour leur art une sorte de pitié mêlée de respect. Je sais, ils n'en voudraient pas, ils détesteraient ça, ma pitié, mon respect. Mais il y a une raison à ces sentiments. C'est que, au-delà du cirque et des grimaces, ces gens sont en quête d'absolu. Ils le cherchent de toutes leurs forces, les tripes à l'air. Avec une authenticité inexpugnable, bouleversante. Extrême. Et ça s'entend. Alors bien sûr, on n'est pas du même bord, eux et moi. Ils sont sur la mauvaise pente. Mais cette soif de pureté musicale, quand même, on ne peut rester indifférent.
J'ai longtemps eu cette pensée rassurante que si, d'aventure, je rencontrais Satan, j'aurais ipso facto une preuve empirique de l'existence de Dieu. Question de logique. Oh, je vous vois venir petits malins : certes, encore faut-il que je le reconnaisse à temps, que mon âme n'ait pas été conduite par lui loin de ce monde, et qu'il ne soit déjà trop tard. Vous avez raison. A quoi me servirait de découvrir que Dieu existe si je crame en enfer depuis le début ? On déconne pas sur la question Satan, ça pardonne pas. Mais là, aucun risque que je le rate. Car il y est, pas l'ombre d'un doute.
Raison pour laquelle, en écoutant Mayhem, je sais que Dieu existe. CQFD.