Le second souffle est décidément difficile à trouver pour Dan Auerbach et Patrick Carney. Au sommet de leur art dans les années 2000', avec un style entre blues et garage-rock efficace, les années 2010' furent une longue traversée du désert pour The Black Keys.
La mode des duos guitare/batterie s'est en effet essoufflée (finis The White Stripes, The Kills ou The Do) et plus grave encore, nos musiciens de l'Ohio semblent peu à peu perdre le plaisir de jouer. Danger Mouse avait réussi à donner un tournant musical intéressant en 2008 en produisant l'album Attack & Release. S'est suivie une période plus pop moins authentique mais pas désagréable avec Brothers et El Camino, avant la catastrophe industrielle de Turn Blue en 2014, album surchargé de synthé mal maîtrisé. Tout ça pour au final sortir en 2019 un Let's Rock tout à fait oubliable.
Bref, ce début des années 2020' et l'annonce d'un "retour aux sources" avec un hommage au delta blues du Mississippi permettait d'alimenter les espoirs des amateurs du genre.
Le problème lorsqu'on enregistre un album de reprises, c'est qu'on est forcément comparé aux artistes originaux. Et la comparaison n'est ici pas flatteuse.
On peut faire d'excellents morceaux de blues sans avoir un niveau technique exceptionnel. Pour autant, on ressent une sorte de flemme ou du moins une grande lassitude tout au long de l'album qui fait perdre tout intérêt à l'album. La voix de crooner monotone de Dan Auerbach est totalement déprimante et délivre un rendu global assez indigeste. Au lieu d'apporter de la modernité, la simplification outrancière des riffs de guitare originaux fait perdre le groove qui a permis aux légendes du blues comme John Lee Hooker, R.L. Burnside ou Junior Kimbrough de rester intemporels.
C'est probablement le seul intérêt de cet album (et ce qui donne également envie d'être indulgent avec ces Black Keys en perte d'inspiration) : donner envie de réécouter au plus vite les légendes de ce formidable genre musical qu'est le delta blues.
En espérant que nos deux bluesmen en perdition retrouvent un jour le plaisir de leurs débuts, ils le méritent largement.