A première vue, il est difficile de remarquer ce que Devotion a de plus, ou du moins de différent, par rapport au premier album de Beach House. On a encore l’impression que le groupe continue à jouer le même morceau, en cultivant une ambiance similaire, légère, aérienne, onirique. Inévitablement le charme opère à nouveau, et on se retrouve plongé dans un océan de beauté apaisante et planante, comme seul Beach House sait le faire.
Les variations se révèlent au fil des écoutes et apportent un éclairage sensiblement différent à la musique du groupe. Dans l’ensemble les chansons semblent plus abouties et la production plus maîtrisée. Le premier album avait par moment des airs de réalisation amatrice sur les bords, tandis que Devotion sonne davantage comme un disque net et sans bavure. On a le sentiment que la musique prend du grade, mais je trouve que l’on perd un peu en fraîcheur et en aura mystique de la chance du débutant.
Enfin, que cela soit clair, Devotion est au moins aussi bon que son prédécesseur, et le charme unique de Beach House opère sans aucun doute, mais s’il faut choisir je conserve une petite préférence pour le premier opus qui a aussi l’avantage, j’imagine, d’être plus court (dix minutes de moins) et donc plus conforme à l’idéal de rêve évanescent que la musique cultive. Parce que bon, Devotion ne contient aucun morceau faible, une nouvelle fois j’ai envie de dire. Car l’atmosphère incroyablement homogène et suspendue dans le temps est toujours là et fait toujours autant d’effet.
En même temps comment pourrait-il en être autrement avec des morceaux comme les sublimes Gila, You Came To Me et Holy Dances ? Ces chansons dégagent une perfection et une maîtrise que l’on ne ressentait pas forcément sur les morceaux du premier album. Beach House donne l’impression d’avoir réussi à dompter son art, celui de composer des morceaux singuliers, à l’ambiance onirique sans équivalent. Le groupe a désormais conscience de son talent et sait en profiter pour écrire un album qui sent (déjà) l’aboutissement, alors qu’auparavant, la musique était plus dans la spontanéité, et moins dans la conscience de soi.
A mon avis, c’est principalement à ce niveau que se situe la différence entre le disque éponyme et Devotion. Le plus intéressant dans l’histoire c’est de constater qu’en faisant preuve de plus de contrôle le groupe n’a presque rien perdu de son charme atypique, de sa nonchalance rêveuse, alors que ce ne sont pas des choses qui se laissent facilement capturer. Avec à la clé, cet éternel pouvoir émotif, chargé de mélancolie, de nostalgie, de sentiments si intenses et vaporeux à la fois.
J’ai personnellement eu la chance de voir et de profiter d’un paysage sublime en écoutant Devotion, un panorama presque irréel, où la magie du moment le disputait à la banalité, un truc qui collait à merveille, comme par miracle, à la musique de Beach House, et maintenant j’ai des images incroyables et un vrai moment de nostalgie qui ressurgissent quand j’entends You Came To Me et Holy Dances. A mon sens, cela résume parfaitement le magnétisme de Beach House, les chansons sont tellement chargées qu’elles absorbent presque tout ce qui nous entoure et ce que l’on ressent, pour en délivrer un instantané d’émotion pure.